La posture du coach : entre présence, non-savoir et responsabilité
- Roland Constantin
- 27 avr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 7 jours
Introduction : Quand l’accompagnement est un art intérieur
Le coaching ne se limite pas à poser de bonnes questions.
Il ne se résume pas à atteindre des objectifs ou à suivre des protocoles.
Il repose avant tout sur une posture intérieure.
Une posture qui engage tout l’être du coach :
• Sa capacité d’être là, pleinement,
• Sa capacité à ne pas savoir à la place de l’autre,
• Sa capacité à assumer son rôle, sans envahir ni se défausser.
Dans ce chapitre, nous explorerons comment présence, non-savoir et responsabilité ne sont pas des compétences parmi d’autres, mais le socle vivant de l’acte d’accompagner.
1. La présence : fondement silencieux de l’accompagnement
1.1. Qu’est-ce que la présence en coaching
La présence est la qualité d’être totalement disponible à l’instant, à l’autre et à ce qui émerge.
Elle ne consiste pas simplement à écouter les mots.
Elle est une écoute du visible et de l’invisible, de l’émotion, du silence, du mouvement interne de l’autre.
Carl Rogers, dans son approche centrée sur la personne (On Becoming a Person, 1961), a mis en évidence que l’attitude de présence authentique du thérapeute était un facteur de changement au moins aussi important que les techniques employées.
La présence offre à l’autre un espace sécurisé pour être pleinement lui-même — sans être jugé, corrigé ou analysé.
1.2. Présence vs performance
Dans une culture de la performance, beaucoup de coachs débutants ressentent la pression de “bien faire”, de “poser la bonne question”, de “faire avancer la séance”.
Mais la vraie présence ne cherche pas l’efficacité immédiate.
Elle est un accueil radical de ce qui est.
Exemple concret :
Un client se met à pleurer soudainement.
Le coach peu expérimenté pourrait chercher à “réparer” rapidement, à “remettre sur les rails”.
Le coach présent accueille la douleur, sans fuite. Il laisse l’émotion se dire, se vivre.
Il sait que parfois, c’est dans le silence partagé que se produit l’essentiel.
Référence supplémentaire :
• Gendlin, E. (1981). Focusing. Il montre comment la présence au “sens corporel” immédiat favorise le changement.
2. Le non-savoir : une posture de confiance radicale
2.1. Pourquoi le non-savoir est difficile ?
Notre éducation valorise la maîtrise, la réponse rapide, l’expertise.
En tant que coach, il est tentant de vouloir comprendre vite, orienter, “aider” en proposant des pistes.
Mais le coaching repose sur une confiance radicale :
l’autre a en lui, même si c’est enfoui, les ressources pour évoluer.
Brené Brown, dans Dare to Lead (2018), souligne que la vulnérabilité consciente — accepter de ne pas tout maîtriser — est une force fondamentale du leadership et de l’accompagnement.
2.2. Le non-savoir, un levier pour l’émergence
Quand le coach ose ne pas savoir, il :
• Ouvre un espace pour l’exploration authentique,
• Permet à des réponses nouvelles d’émerger de l’intérieur du client,
• Respecte le processus unique de maturation de l’autre.
Exemple concret :
Un coaché explique qu’il n’arrive pas à changer un comportement.
Plutôt que de proposer tout de suite une stratégie, le coach explore :
• “Que ressens-tu quand tu es dans cette situation ?”
• “S’il y avait une sagesse cachée dans cette résistance, laquelle serait-elle ?”
En ne cherchant pas à “solutionner” trop tôt, le coach ouvre l’accès à des strates plus profondes d’intelligence intérieure.
Référence supplémentaire :
• Bachkirova, T. (2011). Developmental Coaching: Working with the Self. (L’importance du non-savoir dans la maturation de l’identité du coaché).
3. La responsabilité : tenir l’espace sans se confondre
3.1. Clarifier ce qu’est la responsabilité en coaching
La responsabilité du coach n’est pas de “réussir” la séance.
Ni de “faire changer” son client.
Sa responsabilité est :
• De tenir un cadre clair, sécurisé et éthique,
• D’accompagner sans prendre le pouvoir,
• De poser des repères de processus (contrat, objectifs, modalités),
• De reconnaître ses limites (et de référer si besoin).
3.2. Le piège du sauveur et de l’inaction
Deux pièges principaux guettent la posture de responsabilité :
• Le sauveur : vouloir porter, réparer, agir à la place.
(Ce qui infantilise et génère de la dépendance.)
• Le spectateur : se retirer sous prétexte de respect de l’autonomie, mais en abandonnant la qualité d’accompagnement.
Être responsable, c’est naviguer entre ces deux extrêmes.
Exemple concret :
Un client revient, séance après séance, en se plaignant des mêmes situations sans avancer.
• Le coach sauveur proposera sans cesse des solutions à sa place.
• Le coach spectateur écoutera passivement, sans proposer de changement de perspective.
Le coach aligné, lui, pourra dire :
“Je constate que ce schéma se répète. Veux-tu qu’on explore ce qui te maintient dans cette situation et comment tu pourrais en sortir ?”
Il invite, il propose, mais il ne fait pas à la place.
Référence supplémentaire :
• Karpman, S. (1968). Drama Triangle. (Le triangle dramatique Victime – Sauveur – Persécuteur appliqué au coaching).
4. Comment cultiver cette posture intérieure au quotidien ?
4.1. Travail personnel et supervision
Aucun coach ne peut maintenir une posture juste sans travail sur soi.
Supervision, thérapie personnelle, retour sur sa pratique, sont des incontournables pour ne pas glisser inconsciemment dans ses propres mécanismes de défense.
4.2. Pratiques d’ancrage et de pleine présence
La méditation de pleine conscience (Kabat-Zinn, 1990) n’est pas qu’un outil pour la gestion du stress.
C’est une pratique pour cultiver la capacité à rester présent à ce qui est, sans chercher à modifier ou contrôler immédiatement.
4.3. Formation continue et remise en question
Rester vivant dans sa posture de coach, c’est :
• Continuer à apprendre,
• Continuer à douter sainement,
• Continuer à affiner sa qualité de relation.
Conclusion : Être coach, un chemin d’exigence intérieure
La posture du coach n’est pas un statut.
C’est un chemin, un engagement quotidien envers soi-même et envers l’autre.
Être pleinement présent,
accepter de ne pas savoir,
assumer la responsabilité de l’espace tout en laissant l’autre libre…
Voilà l’essence du coaching authentique.
Non pas maîtriser l’autre.
Mais marcher à ses côtés, avec humilité, confiance et lucidité.
Références précises pour approfondir
• Rogers, C. R. (1961). On Becoming a Person: A Therapist’s View of Psychotherapy.
• Whitmore, J. (2002). Coaching for Performance.
• Gendlin, E. (1981). Focusing.
• Bachkirova, T. (2011). Developmental Coaching: Working with the Self.
• Karpman, S. (1968). Drama Triangle.
• Brown, B. (2018). Dare to Lead.
• Kabat-Zinn, J. (1990). Full Catastrophe Living.
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