TDAH et quête de cohérence intérieure : sortir d’une approche réductrice
- Roland Constantin
- 25 juin
- 3 min de lecture
Changer de regard pour mieux comprendre
Trop souvent, le TDAH est abordé sous l’angle unique des déficits : inattention, agitation, impulsivité. Ces symptômes, bien réels et handicapants, ne sont pourtant que la partie visible d’une expérience plus profonde. Si l’on veut accompagner durablement les jeunes concernés, il est indispensable de dépasser la seule gestion des comportements pour explorer un besoin fondamental et souvent oublié : celui de cohérence intérieure.
1. Le besoin de congruence : une clé méconnue du TDAH
De nombreux jeunes avec TDAH décrivent un ressenti de “trop plein”, d’éparpillement ou de dissonance interne. Ils se sentent envahis par des stimuli, des pensées, des attentes contradictoires. Leur difficulté n’est pas seulement de rester concentrés sur une tâche, mais de trouver une forme de continuité interne, un ancrage.
Exemple :
Lucas, 15 ans, change sans cesse d’activité en classe. Mais en entretien individuel, il dit : “Je veux bien écouter, mais ça part dans tous les sens, j’arrive pas à trier. C’est comme s’il y avait plein de radios allumées dans ma tête.”
Cette métaphore décrit très justement le besoin de cohérence interne : pouvoir réduire le bruit pour se reconnecter à un fil stable.
2. Incohérence contextuelle = surcharge interne
Lorsque les environnements (familial, scolaire, professionnel) sont incohérents, flous ou contradictoires, le jeune avec TDAH peine encore davantage à se repérer. Ce trouble rend en effet l’enfant ou l’ado plus dépendant de la clarté extérieure pour structurer son monde intérieur.
Illustration concrète :
• Un adulte dit : « Tu dois être autonome » mais réagit avec agacement si le jeune prend une initiative.
• Le règlement parle de bientraitance mais les cris ou les moqueries d’adultes sont tolérés.
Ces failles dans la cohérence des messages créent une insécurité cognitive et affective majeure. Le jeune perd ses repères internes, doute de lui, et son fonctionnement devient plus erratique.
3. La sécurité intérieure : un préalable au changement
Tout accompagnement efficace débute par une réponse au besoin de sécurité. Cela ne signifie pas complaisance ou surprotection, mais cohérence, prévisibilité, justice.
Concrètement :
• Un cadre clair, stable, expliqué, où le jeune sait ce qui est attendu de lui.
• Des consignes répétées sans jugement.
• Des adultes alignés entre ce qu’ils disent, font et attendent.
Ce socle est essentiel pour réduire l’hypervigilance, permettre une attention soutenable, et baisser les défenses adaptatives.
4. Retrouver une boussole interne : le rôle du sens
La motivation intrinsèque est souvent instable chez les jeunes avec TDAH, non pas par paresse, mais parce qu’ils ne sentent pas le lien entre ce qu’on leur demande et ce qui fait sens pour eux.
Exemple :
Léa, 17 ans, en formation commerciale, ne rend pas ses rapports. Lorsqu’on explore, elle dit : “À quoi ça sert ? Je fais ça pour eux, pas pour moi.”
C’est en reconnectant l’action à une intention, un projet, une valeur personnelle, que l’on redonne de l’énergie psychique disponible.
5. Accompagner sans étiqueter : vers une posture bientraitante
Accompagner un jeune avec TDAH vers la cohérence intérieure, c’est :
• Écouter sans sur-interpréter,
• Nommer avec lui ce qui se passe, pour l’aider à relier ses états internes à des faits,
• Offrir un regard stable et encourageant, qui soutient sans infantiliser,
• Accepter les jours sans, sans y voir une opposition mais plutôt une fatigue du système.
Hypothèse (fondée cliniquement) : Le jeune avec TDAH cherche autant à maîtriser ses comportements qu’à réconcilier ses ressentis, ses pensées et ses actes. Cette congruence émotionnelle est une condition de l’apaisement, souvent plus que la suppression des symptômes.
Une exigence de lucidité et de bienveillance
Changer le regard sur le TDAH, c’est cesser de penser uniquement en termes de troubles à gérer, et reconnaître un besoin vital de repères internes. En rétablissant de la cohérence autour du jeune, on l’aide à retrouver sa propre boussole.
Et peut-être est-ce aussi une invitation, pour chaque adulte accompagnant, à vérifier sa propre cohérence…
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