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journal de transitions

Dernière mise à jour : il y a 9 heures

 

Chapitre 1 – Introduction générale : pourquoi un journal de transitions?

 

1.1. Un monde en mouvement, des repères en déplacement

Nous vivons à une époque où le changement est devenu permanent.

Changements de vie, de fonction, de repères culturels, de valeurs, de rythme : les transitions ne sont plus exceptionnelles, elles sont structurelles.

 

Mais si le changement est extérieur, la transition est intérieure.

Et elle mérite du temps, de l’attention, de la conscience.

 

Là où le changement est une modification de situation, la transition est un mouvement d’identité, un remaniement de ce que l’on croyait stable, acquis, évident.

 

1.2. Pourquoi un journal ?

Le journal est un espace d’accueil.

Un lieu où déposer ce qui bouge, ce qui résiste, ce qui fait peur ou ce qui commence à émerger.

Il permet d’objectiver un ressenti, d’explorer ses représentations, d’écouter ce qui veut se dire sans encore savoir comment.

Écrire, c’est donner forme à l’informe,

c’est retrouver un dialogue avec soi-même au milieu du chaos possible d’une période de transition.

 

Un journal de transitions n’est ni un carnet intime ni un rapport d’activité.

C’est un outil de structuration intérieure, un compagnon de route qui invite à :

  • ralentir pour sentir,

  • formuler pour comprendre,

  • structurer pour transformer.

 

 

1.3. Un outil d’accompagnement à part entière

En formation, en coaching ou en accompagnement thérapeutique, le journal devient :

  • un miroir réflexif,

  • une trace du chemin parcouru,

  • un point d’appui pour les échanges,

  • une mémoire vive du processus de transition.

 

Il ne remplace pas le lien humain, mais il l’approfondit.

 

Utilisé seul ou avec un accompagnant, il permet de :

  • revisiter les émotions sans s’y perdre,

  • relier les événements vécus à des compréhensions nouvelles,

  • élaborer un sens personnel,

  • construire un nouveau récit de soi.

 

1.4. Deux grands modèles en appui : Bridges et Mezirow

Ce document se base sur deux approches reconnues et complémentaires :

  • Le modèle de William Bridges, centré sur le vécu émotionnel et symbolique du passage d’un état à un autre (fin, vide, recommencement).

  • La théorie de l’apprentissage transformateur de Jack Mezirow, qui décrit les étapes par lesquelles un adulte transforme sa compréhension du monde, souvent à partir d’un choc ou d’une crise.

 

Nous verrons dans les chapitres suivants comment chacun de ces modèles éclaire le processus de transition, avant de les intégrer dans une démarche concrète d’accompagnement par l’écriture.

 

1.5. Une boussole plutôt qu’un GPS

Ce journal n’a pas vocation à « gérer le changement » ni à « optimiser la transformation ».

Il propose un espace où l’on peut accueillir ce qui se passe, sans jugement ni précipitation.

 

C’est un carnet d’orientation intérieure, une boussole pour ne pas perdre le nord au moment où tout semble flou.

 

Chapitre 2 – Comprendre la notion de transition

 

Le modèle de William Bridges : de la fin au renouveau

2.1. Distinguer changement et transition

William Bridges, consultant en gestion du changement, propose une distinction essentielle :

  • Le changement est extérieur. Il est factuel. Il concerne une nouvelle situation : un déménagement, une séparation, une promotion, une maladie, une retraite.

  • La transition est intérieure. Elle désigne le processus psychologique et symbolique qui permet d’intégrer ce changement, de lui donner sens, de s’y adapter sans s’y perdre.

 

Un changement peut être rapide. Une transition ne l’est jamais.

 

2.2. Les trois phases du processus de transition

Bridges identifie trois phases non linéaires, mais souvent successives, parfois entremêlées :

 

Phase 1 : La fin – Clôturer sans nier

Tout changement important commence… par une fin.

Cela peut paraître paradoxal, mais toute transition commence par la nécessité de laisser partir, de reconnaître qu’un cycle se termine.

 

Cette phase peut générer :

  • du déni (« ce n’est pas si grave »),

  • de la colère,

  • du trouble identitaire (« si je ne suis plus ça, qui suis-je ? »),

  • parfois du soulagement,

  • mais presque toujours une forme de deuil.

 

Accompagner cette phase, c’est honorer ce qui se termine, sans l’accélérer.

Exemples :

  • Un départ à la retraite = fin d’un rôle social, d’une reconnaissance implicite.

  • Un changement de direction = perte de repères, d’un système connu, même s’il était imparfait.

  • Une rupture = perte du lien, mais aussi de la projection commune.

 

Phase 2 : La zone neutre – Traverser l’inconfort du flou

Entre la fin et le renouveau, il y a le vide. Le désert. Le flottement.

C’est la phase centrale du processus, souvent négligée… et pourtant essentielle.

 

La zone neutre est :

  • inconfortable (on n’est plus dans l’ancien, mais pas encore dans le nouveau),

  • instable (rien n’est clair),

  • fertile (des idées, des désirs, des possibles émergent… mais rien n’est encore ancré).

 

Bridges compare cette phase à un cocon : ni chenille, ni papillon. C’est là que se jouent les transformations les plus profondes. Mais pour cela, il faut s’autoriser à ne pas savoir.

 

Exemples :

  • Une personne quitte son emploi sans savoir encore ce qu’elle veut vraiment.

  • Un couple se sépare, chacun cherche sa place nouvelle.

  • Un étudiant échoue à un concours et doute de ses compétences, de son identité.

 

Phase 3 : Le nouveau départ – Intégrer et agir

La dernière phase est celle du renouveau intérieur.

Elle ne coïncide pas nécessairement avec un événement.

Elle se manifeste quand une nouvelle clarté émerge, souvent discrète au début.

 

Caractéristiques de cette phase :

  • reprise de l’élan,

  • nouveau sens perçu,

  • nouveaux comportements possibles,

  • sentiment d’alignement progressif.

 

Attention : ce n’est pas l’effacement du passé, mais son intégration. On ne revient pas à « comme avant » : on avance avec une identité réajustée.

 

2.3. Le modèle en image : une courbe en U

Voici une représentation simplifiée :

 




2.4. Le rôle du journal dans cette transition

 

Dans le modèle de Bridges, le journal devient :

  • un rituel de clôture (phase 1),

  • un espace d’accueil du flou (phase 2),

  • un terrain d’expérimentation des idées neuves (phase 3).

 

Il permet de ne pas fuir trop vite vers l’action,

et de ne pas rester coincé dans le passé.

 

Chapitre 3 – Écrire les trois phases de la transition

 

Structurer un journal pour traverser la fin, le flou, et le renouveau

 

3.1. Phase 1 – La fin : reconnaître, honorer, laisser partir

Cette phase est souvent négligée dans les accompagnements : on veut « avancer » trop vite.

Or, ce qui n’est pas nommé persiste.

Écrire la fin, c’est permettre à la conscience de formuler ce qui se termine pour que l’énergie cesse de lutter et commence à intégrer.

 

Objectifs de cette phase :

  • Identifier ce qui prend fin (rôle, identité, relation, habitude, illusion).

  • Accueillir les émotions associées.

  • Exprimer le deuil, même si le changement est choisi.

  • Honorer ce qui a été.

 

Questions pour l’écriture :

  • Que suis-je en train de quitter, réellement ?

  • Que représentait cette situation ou cette personne dans ma vie ?

  • Qu’est-ce que cela me faisait d’être là, dans ce rôle ou ce lien ?

  • Qu’est-ce que je perds… mais aussi : qu’est-ce que je ne perds pas ?

  • Si je devais écrire une lettre de gratitude ou de rupture à cette partie de ma vie, que dirais-je ?

 

 

Exercices proposés :

  • Lettre à ce que je laisse (rôle, lieu, personne, moi d’avant).

  • Rituel symbolique d’adieu : écrire un mot, le brûler, l’enterrer, le relire, le sceller…

  • Inventaire de ce que je garde / ce que je rends (valeurs, fonction, charge émotionnelle).

  • Métaphore : si cette fin était un paysage, un animal, un objet… que serait-elle ?

 

3.2. Phase 2 – La zone neutre : accueillir, explorer, écouter

C’est la phase la plus inconfortable… et pourtant la plus puissante.

Le journal devient ici un espace-refuge pour formuler les doutes, errer sans danger, et laisser émerger de nouveaux éléments.

 

Objectifs de cette phase :

  • Mettre des mots sur le flou, l’inconfort, la fatigue.

  • Identifier les ressources internes.

  • Explorer sans but immédiat.

  • Accueillir les contradictions.

 

Questions pour l’écriture :

  • Qu’est-ce que je ressens en ce moment, sans filtre ?

  • Qu’est-ce que je sais… et qu’est-ce que je ne sais pas (et que je crois devoir savoir) ?

  • Qu’est-ce que je ne veux surtout pas reproduire ?

  • De quoi ai-je besoin pour traverser cette zone sans me juger ?

  • Quelles peurs sont présentes ? Et si je les écoutais comme des messagères ?

 

Exercices proposés :

  • Carte des ressources : personnes, lieux, gestes, pensées qui me font du bien.

  • Dialogue intérieur : écrire un échange entre ma peur, mon intuition, mon besoin.

  • Chronique d’un entre-deux : noter chaque jour une chose incertaine, une chose stable.

  • Visualisation créative : si je devais me réinventer sans contrainte, qui serais-je ?

  • Écrire sans but : page blanche, 15 minutes d’écriture libre sur « ce qui est là ».

3.3. Phase 3 – Le nouveau départ : nommer, projeter, s’engager

Cette phase n’est pas un grand moment de triomphe, mais souvent un petit pas aligné.

Elle demande du discernement : ce n’est pas faire pour oublier, c’est agir depuis un lieu plus vrai.

 

Objectifs de cette phase :

  • Identifier ce qui fait sens maintenant.

  • Formuler une vision réaliste et motivante.

  • Éprouver les nouveaux choix dans l’écriture.

  • Structurer l’élan pour ne pas le disperser.

 

Questions pour l’écriture :

  • Qu’est-ce que j’ai compris de moi dans cette traversée ?

  • Qu’est-ce qui m’appelle maintenant ?

  • Quelle version de moi suis-je en train de devenir ?

  • Si je devais définir une boussole intérieure, quels mots y figureraient ?

  • Quels seraient mes premiers pas, demain, pour vivre en accord avec ce que j’ai découvert ?

 

Exercices proposés :

  • Lettre à mon moi futur : dans 6 mois, que voudrais-je pouvoir lui dire ?

  • Carte d’engagement : 3 choix concrets, alignés, à poser.

  • Poème de recommencement : 10 phrases commençant par « Je choisis… »

  • Vision dessinée : dessiner ma vie rêvée dans 1 an, sans justifier, juste rêver.

  • Phrase-manifeste : « Pour moi, maintenant, vivre c’est… »

 

Conclusion de ce chapitre

Ces trois phases ne sont pas des cases à cocher : elles sont des paysages intérieurs à traverser, avec leurs résistances, leurs beautés, leurs lenteurs.

Le journal de transitions offre une structure vivante et souple, à la fois :

  • cadre contenant,

  • miroir révélateur,

  • tremplin vers l’action alignée.

 

Chapitre 4 – L’apprentissage transformateur selon Jack Mezirow

Changer de regard pour changer de vie

 

4.1. Un autre regard sur le changement : la transformation du sens

Là où Bridges explore la transition comme un passage émotionnel et symbolique, Jack Mezirow, sociologue de l’éducation, s’intéresse à ce qui change dans la manière de penser, de donner sens à ce que l’on vit.

 

Selon lui, une transition importante ne modifie pas seulement ce qu’on fait ou ressent, elle transforme notre cadre de référence, c’est-à-dire :

  • notre manière d’interpréter le monde,

  • nos croyances implicites,

  • nos certitudes sur nous-mêmes et les autres.

 

Changer, c’est apprendre à penser autrement.

 

4.2. Les cadres de référence : ce que nous croyons sans le savoir

Mezirow parle de « cadres de référence » pour désigner les schémas mentaux que nous utilisons pour interpréter nos expériences.

Ces cadres sont :

  • culturels (hérités de notre environnement),

  • personnels (marqués par notre histoire),

  • souvent invisibles, tant qu’ils ne sont pas remis en question.

 

Exemples de cadres de référence implicites :

  • « Je ne suis pas fait pour parler en public »

  • « Les conflits sont dangereux »

  • « La sécurité, c’est avoir un CDI »

  • « Pleurer, c’est être faible »

 

Quand une expérience vient bousculer un cadre, elle peut produire un choc.

Si la personne accepte de réfléchir à ce choc, elle peut vivre une transformation profonde et durable.

 

4.3. Les dix phases de l’apprentissage transformateur

Mezirow identifie dix étapes, qui ne sont pas toujours linéaires, mais qui forment un parcours structurant :

 

  1. Dilemme désorientant



    • Une situation perturbe profondément nos repères.

    • Exemple : un burn-out, une rupture, une révélation personnelle.

 

  1. Auto-examen



    • On commence à observer nos réactions : peur, tristesse, colère, incompréhension.

 

  1. Analyse critique des hypothèses sous-jacentes



    • On questionne nos croyances : « Suis-je vraiment obligé de penser ainsi ? »

 

  1. Reconnaissance que d’autres ont traversé quelque chose de semblable



    • Cela crée un sentiment d’humanité partagée et de normalisation.

 

  1. Exploration de nouvelles options



    • On entrevoit d’autres manières d’être, de faire, de voir.

 

  1. Planification d’une action



    • Pas forcément un projet complet, mais un premier pas conscient.

 

  1. Acquisition de nouvelles compétences ou de connaissances



    • Pour soutenir la transition, il faut parfois apprendre (savoir-faire, posture, ressources).

 

  1. Expérimentation de nouveaux rôles ou comportements



    • On agit différemment. On sort du cadre ancien.

 

  1. Confiance croissante en soi dans ce nouveau rôle



    • On se stabilise, on s’ancre.

 

  1. Intégration de cette nouvelle perspective dans sa vie quotidienne

 

  • Ce n’est plus une transition : c’est un nouveau soi qui émerge.

 

4.4. Ce que le journal permet dans ce processus

Le journal de transitions est un outil parfaitement adapté à cette approche, car il :

  • permet de documenter les chocs,

  • d’analyser les croyances,

  • de suivre les tentatives d’essai,

  • et d’intégrer les nouveaux récits de soi.

 

Exemple :

Une personne licenciée croit d’abord qu’elle ne vaut rien (cadre ancien).

Elle écrit, relit, comprend qu’elle avait lié sa valeur à son emploi.

Elle explore d’autres façons de se voir. Elle se découvre créative, utile, même sans statut.

Elle crée un projet personnel. Elle ne pense plus pareil. Elle est autre.

 

 

 

4.5. Apprendre à apprendre de sa vie

La force de l’approche de Mezirow est qu’elle ne cherche pas à adapter la personne au changement, mais à l’aider à comprendre ce que ce changement vient révéler de son rapport à elle-même et au monde. Le journal devient alors un lieu d’apprentissage réflexif, où écrire, c’est non seulement dire, mais réévaluer, reconfigurer, rechoisir.

 

Chapitre 5 – Intégrer Bridges et Mezirow : le journal de transitions comme outil combiné

Éprouver, comprendre, transformer : une démarche en spirale

 

5.1. Deux modèles, une même invitation : traverser au lieu de contourner

Les modèles de William Bridges et de Jack Mezirow ont des racines différentes :

  • L’un vient du changement organisationnel et psychologique (Bridges).

  • L’autre de l’éducation des adultes et de la pensée critique (Mezirow).

 

Mais tous deux pointent la même réalité :

Le changement extérieur ne devient transformation intérieure que si l’on accepte d’habiter la traversée.

 

5.2. Une articulation féconde : émotion et cognition

Bridges met l’accent sur l’expérience émotionnelle et existentielle du changement :

  • Perte, flou, renaissance.

  • Temps subjectif, sensibilité, deuil symbolique.

  • État d’âme.

 

Mezirow, quant à lui, éclaire le travail cognitif qui se fait en parallèle :

  • Choc de sens, remise en question, reconstruction des cadres mentaux.

  • Émergence d’une pensée plus lucide, plus autonome.

  • Vision du monde.

 

Ensemble, ils permettent de travailler à la fois la matière vécue (ce qui se sent)

et la matrice interprétative (ce qui fait sens).

 

5.3. La spirale de la transition-transformative

Nous pouvons représenter le journal de transitions comme un chemin en spirale :

à chaque boucle, une nouvelle conscience, une nouvelle stabilité, une nouvelle posture.

Voici une proposition d’articulation des deux modèles dans un processus fluide :

 

Phase de Bridges

Phase(s) de Mezirow

Fonction du journal

Fin / Clôture

1. Dilemme désorientant2. Auto-examen

Identifier ce qui meurt, ce qui résiste, ce qui fait mal. Mettre en mots la perte, les émotions.

Zone neutre

3. Analyse critique4. Reconnaissance collective5. Exploration

Explorer ses croyances, tester d’autres façons de penser. S’autoriser à ne pas savoir.

Nouveau départ

6. Planification7-9. Action, confiance, ancrage10. Intégration

Nommer ses nouveaux choix, les rendre tangibles. Se projeter autrement. Se relier à une identité renouvelée.

 

5.4. Ce que cela change dans l’accompagnement

Un journal de transitions bien construit permet de :

  • Accueillir la douleur sans la figer.

  • Soutenir la pensée sans la forcer.

  • Favoriser l’autonomie sans couper le lien.

  • Renforcer la narration personnelle sans plaquer de modèle.

 

Cela devient un outil d’auto-accompagnement structuré, ou de co-accompagnement conscient (en coaching, en formation, en thérapie).

 

5.5. Une méthode, pas une recette

Intégrer Bridges et Mezirow ne signifie pas forcer le vécu à entrer dans un cadre.

Cela signifie proposer une carte souple, une grille de lecture qui :

  • permet d’identifier où l’on est,

  • soutient la traversée,

  • évite les raccourcis émotionnels ou intellectuels,

  • réconcilie la tête et le cœur.

 

Chapitre 6 – Méthodologie concrète : structurer un journal de transitions

Un outil vivant, progressif et adapté à la personne

 

6.1. Objectifs d’un journal de transitions bien structuré

Un journal de transitions n’est pas un simple carnet de bord.

Il est pensé comme un espace de transformation intérieure, avec une intention claire :

Permettre à la personne de traverser un changement profond en mobilisant ses propres ressources réflexives, émotionnelles et cognitives.

 

Il vise :

  • à accompagner sans diriger,

  • à soutenir sans imposer,

  • à structurer sans figer.

 

6.2. Cadre de mise en œuvre

6.2.1. Format et support

  • Carnet papier : favorise l’ancrage physique, le lien à soi, l’intimité.

  • Document numérique : plus facile à organiser, utile pour des retours, des ajouts, des recherches.

  • Hybride : écrire à la main les émotions, structurer à l’écran les prises de conscience.

 

6.2.2. Fréquence d’écriture

  • Régulière mais libre : entre 2 et 5 fois par semaine, selon l’intensité de la transition.

  • Brèves ou longues entrées : parfois 10 minutes suffisent, parfois une heure est nécessaire.

  • Structuration par phase : chaque phase (fin, zone neutre, renouveau) dure entre 2 et 6 semaines selon la situation.

 

6.2.3. Temporalité

  • Cycle complet conseillé : 2 à 3 mois minimum.

  • Peut être utilisé de façon discontinue (reprise à chaque grande transition).

 

6.3. Posture d’écriture

  • Écoute active de soi : ne pas chercher la performance ni la clarté absolue.

  • Accueillir sans juger : ce qui émerge est toujours légitime.

  • Accepter les boucles : revenir sur le même thème est signe de travail profond, pas d’échec.

  • S’autoriser des pauses : l’écriture suit le rythme de l’âme, pas celui d’un programme.

 

6.4. Accompagnement éventuel (coach, formateur, thérapeute)

Ce journal peut être utilisé :

  • en autonomie, pour une personne habituée à la réflexion personnelle,

  • avec un accompagnant, qui propose un cadre, des retours, une écoute bienveillante.

 

Dans ce cas :

  • L’accompagnant peut proposer des thèmes d’écriture,

  • relire certains extraits si la personne l’autorise,

  • poser des questions d’approfondissement,

  • inviter à connecter l’écriture à l’action (même symbolique).

 

6.5. Structuration pratique du journal

Voici une suggestion d’organisation du contenu :

Partie du journal

Contenu principal

Période indicative

Préambule

Pourquoi j’ouvre ce journal ? Quelle est ma situation ?

Jour 1

Phase 1 – Fin

Ce qui se termine, ce que je perds, ce que je laisse, les émotions

Semaine 1 à 3

Phase 2 – Zone neutre

Le flou, les questions, les contradictions, les ressources

Semaine 3 à 6

Phase 3 – Nouveau départ

Ce que j’en tire, ce que je choisis, ce que j’incarne

Semaine 5 à 8

Des pages libres ou créatives (collages, dessins, phrases fortes, rêves) peuvent être ajoutées à tout moment.

 

6.6. Quelques conseils concrets pour la personne qui écrit

  • Fixe-toi un rituel d’écriture : même lieu, même stylo, même heure si possible.

  • Commence toujours par une phrase simple : “Aujourd’hui, je sens que…”

  • Relis de temps en temps : vois ce qui a changé.

  • N’efface rien : tout est trace. Même les silences.

  • Termine chaque session si possible par une phrase d’ancrage ou de gratitude.

 

Chapitre 7 – Exemples d’utilisation en coaching, formation et thérapie

Adapter le journal de transitions à différents contextes d’accompagnement

 

7.1. En coaching individuel : accompagner une bascule de vie

Cas concret : reconversion professionnelle

Contexte : Une cadre de 42 ans, après un épuisement professionnel, envisage de quitter son entreprise. Elle ne sait pas encore quoi faire, mais sent que quelque chose doit changer profondément.

 

Utilisation du journal :

  • Phase 1 : écrire sur la fatigue, la loyauté excessive, les peurs de ne plus être « utile ».

  • Phase 2 : questionner les croyances : « Suis-je seulement définie par mon métier ? », explorer les envies enfouies, les talents oubliés.

  • Phase 3 : esquisser de nouvelles hypothèses, tester une formation, écrire sur ce que cela provoque en elle.

 

Bénéfices observés :

  • Restauration d’un sentiment de cohérence,

  • Réappropriation du pouvoir d’agir,

  • Renforcement de la confiance dans sa capacité à construire autre chose.

 

7.2. En coaching d’équipe : gérer une réorganisation interne

Contexte : Une équipe pédagogique traverse une réorganisation imposée. Certains postes sont déplacés, les habitudes bouleversées.

 

Utilisation du journal (en atelier guidé) :

  • Travail en individuel : chacun tient un petit journal personnel entre les séances (mots clés, ressentis).

  • Partages volontaires : lors des ateliers, échanges sur les représentations du changement.

  • Accompagnement par les phases : de la perte de repères (fin), à la remise en question du sens (zone neutre), jusqu’à la formulation de projets d’équipe (renouveau).

 

Bénéfices observés :

  • Réduction des tensions,

  • Capacité accrue à verbaliser les besoins,

  • Alignement plus fin sur une vision collective.

 

7.3. En formation : apprendre à accompagner la transition

Public : enseignants, professionnels de la santé, travailleurs sociaux en formation continue.

Objectif pédagogique : permettre aux participants de vivre eux-mêmes une démarche de transition pour mieux accompagner celles des autres.

 

Dispositif proposé :

  • Journal de transitions sur 2 mois, avec 3 temps de regroupement.

  • Exercices proposés entre les séances : carte des pertes, cartographie des valeurs en transition, vision de soi future.

  • Travail réflexif final : quelles conditions rendent un changement vraiment transformateur ?

 

Bénéfices observés :

  • Appropriation plus profonde des concepts,

  • Meilleure capacité à créer des espaces de parole sécurisés pour autrui,

  • Développement de la posture d’accompagnant en transition.

 

7.4. En thérapie : faire du journal un co-thérapeute

Cas concret : un homme de 55 ans traverse un deuil suite à la perte de son épouse.

 

Utilisation du journal :

  • Phase 1 : lettres à l’absente, colères, regrets, souvenirs.

  • Phase 2 : errance existentielle, « qui suis-je maintenant ? », exploration des désirs de vivre.

  • Phase 3 : projets timides (voyage seul, rencontres, réinvestissement d’un lieu symbolique).

 

Bénéfices observés :

  • Contenance entre les séances,

  • Possibilité de déposer les émotions sans s’y noyer,

  • Rétablissement progressif d’une trame de sens.

 

7.5. En auto-accompagnement : une personne face à un carrefour

Contexte : une personne utilise le journal seule, sans accompagnement formel, après un déménagement douloureux et une rupture.

 

Mise en œuvre :

  • Suit les chapitres du journal comme un guide.

  • Insère des images, des chansons, des citations.

  • Écrit à la main le matin, relit le soir.

 

Bénéfices observés (retour recueilli plus tard) :

  • Moins de confusion intérieure,

  • Meilleure perception de son évolution dans le temps,

  • Clarté nouvelle sur ses valeurs et ses désirs.

 

Conclusion du chapitre

Le journal de transitions est un outil profondément adaptable :

  • il peut s’intégrer à des approches variées,

  • il accompagne toutes les formes de transitions : choisies ou subies, lentes ou soudaines, visibles ou intérieures,

  • il donne à chaque personne la possibilité d’être auteur de sa traversée.

Chapitre 8 – Fiches pratiques et activités guidées

Accompagner l’écriture par des propositions claires, riches et adaptables

 

8.1. Phase 1 – Clôture, perte, fin de cycle

Objectif : reconnaître ce qui s’achève, formuler le deuil, relire l’histoire sans la figer.

 

Fiche 1 – Lettre à ce que je quitte

  • Intention : nommer ce que je perds ou laisse derrière moi.

    • Consigne : écris une lettre à ton ancien poste, à la personne que tu as été, à une relation ou à une croyance. Tu peux y inclure :


      Ce que tu as aimé,

    • Ce que tu regrettes,

    • Ce que tu refuses de reprendre avec toi,

    • Ce que tu décides de garder.

 

Fiche 2 – Inventaire de transition

Ce que je laisse

Ce que je garde

Ce que je transforme

Routines, rôles, obligations, illusions

Valeurs, compétences, liens essentiels

Modes de fonctionnement, priorités, façons de penser

 

Fiche 3 – Métaphore du départ

  • Choisis une métaphore pour représenter cette fin :


    un paysage,

  • une saison,

  • une météo intérieure.

 

  • Décris-la. Puis écris :

« Et dans ce paysage, ce qui meurt est… ce qui attend de renaître est… »

 

8.2. Phase 2 – Zone neutre, flou fertile, errance créative

Objectif : accueillir le vide, nommer le trouble, semer sans exigence.

 

Fiche 4 – Carte des ressources

  • Ressources internes :



    • qualités, élans, savoir-être…

 

  • Ressources externes :



    • personnes, lieux, outils, rituels.

 

Trace un cercle et positionne ce qui te soutient dans ce moment incertain.

 

Fiche 5 – Dialogue de mes voix intérieures

  • Intention : permettre à différentes parts de soi de s’exprimer (peur, courage, doute, espoir).

  • Consigne : commence par

Peur : Je crains que…

Peur : Je crains que…

Intuition : Je crois que…

Intuition : Je crois que…

Besoin : J’ai besoin de…

Besoin : J’ai besoin de…

Sagesse : Ce que je sais au fond, c’est que…

Sagesse : Ce que je sais au fond, c’est que…

 

Fiche 6 – Journal du flou

  • Chaque jour, écris trois phrases :


    Une chose que je ressens sans l’expliquer.

  • Une chose qui m’étonne ou m’irrite.

  • Un mot que j’aimerais incarner demain.

 

8.3. Phase 3 – Nouveau départ, clarté émergente

Objectif : formuler une vision, ancrer les élans, poser des actes.

 

Fiche 7 – Lettre à mon moi futur

  • Écris une lettre à la personne que tu seras dans 6 mois. Parle-lui de :


    ce que tu espères qu’elle aura intégré,

  • ce que tu veux qu’elle n’oublie jamais,

  • les promesses que tu lui fais aujourd’hui.

 

Fiche 8 – Vision d’après

  • Consigne :


    Dessine (ou décris) une journée idéale dans ta nouvelle vie :



    • À quoi ressemblerait ton matin ?

    • Avec qui es-tu en lien ?

    • Que fais-tu ?

    • Quel est ton niveau d’énergie, de joie, de présence ?

 

Laisse émerger un paysage de désir plus qu’un plan d’action.

 

Fiche 9 – Mon manifeste personnel

  • Termine ton journal en complétant les phrases suivantes :



    • Je ne suis plus…

    • Je suis en train de devenir…

    • Je choisis de…

    • J’autorise en moi…

    • Je porte désormais cette phrase comme repère : « … »

 

8.4. Bonus – Une fiche de rituel d’intégration

Fiche 10 – Le geste symbolique

  • Choisis un geste de passage pour marquer la fin du journal :


    allumer une bougie,

  • planter une graine,

  • lire à voix haute une phrase choisie,

  • marcher à l’aube,

  • brûler une page.

 

Ce n’est pas une fin. C’est un ancrage du mouvement intérieur dans le monde réel.

 

 

Chapitre 9 – Conclusion générale : accompagner sans précipiter, écrire pour éclairer

De l’écriture comme traversée vivante et consciente des transitions

 

9.1. Ce que permet le journal de transitions

Le journal n’est pas un outil anecdotique.

C’est une pratique de soin, de structuration, d’auto-accompagnement.

Il transforme l’impulsion de fuir ou d’agir trop vite en un geste d’écoute patiente et fertile.

Dans un monde qui valorise la rapidité, le contrôle, le résultat,

il offre une pratique lente, lucide, humble.

Il ne vise pas à “aller mieux” tout de suite, mais à aller plus juste, avec soi.

 

9.2. Ce que Bridges et Mezirow nous enseignent ensemble

  • Que toute transition importante commence par une fin, un deuil, un effondrement symbolique.

  • Que le flou est une étape, pas un problème.

  • Que penser autrement est un apprentissage profond, pas un effet de volonté.

  • Que l’on n’émerge pas « neuf », mais transformé.

 

Le journal devient alors une trace vivante du passage :

  • on y relit ses hésitations,

  • on y observe ses propres recadrages,

  • on y découvre la personne que l’on devient.

 

9.3. Pour l’accompagnant : tenir l’espace, ne pas précéder

Utilisé en formation, en coaching ou en thérapie, ce journal n’est pas un protocole.

C’est un cadre d’écoute que l’on propose, mais que la personne habite à sa façon.

 

L’accompagnant :

  • invite,

  • ajuste,

  • pose des questions,

  • évite d’interpréter trop vite,

  • et ne pousse jamais à aller plus vite que le rythme intérieur.

 

Il fait confiance à la force du cheminement, à la cohérence émergente, au mouvement lent mais juste du vivant.

 

9.4. Pour la personne accompagnée : redevenir auteur de son récit

Un journal de transitions est un outil de reconquête :

  • Reconquête de la voix intérieure, souvent étouffée par les injonctions.

  • Reconquête du sens, dans le chaos apparent.

  • Reconquête de l’élan, quand tout semble suspendu.

 

À chaque mot posé, quelque chose se dépose, s’éclaire, s’aligne.

 

9.5. En guise de dernière phrase…

Nous n’écrivons pas pour raconter une vie parfaite.

Nous écrivons pour accompagner le réel,

là où il tremble, là où il renaît, là où il appelle à être regardé.

 

Un journal de transitions n’est pas une ligne droite.

C’est une trace sinueuse, mais précieuse.

C’est un fil de sens, tendu entre ce que l’on quitte…

et ce que l’on devient.

 

 

 


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