Hogan Assessment Systems
- Roland Constantin
- 12 mai
- 16 min de lecture
I. CADRES THÉORIQUES ET FONDEMENTS SCIENTIFIQUES
1.1 Histoire et genèse de l’outil Hogan
L’histoire de l’outil Hogan Assessment Systems commence dans les années 1980 avec les travaux de Robert Hogan, professeur de psychologie à l’Université de Tulsa (Oklahoma), et de son épouse Joyce Hogan, également psychologue. Ils furent parmi les premiers chercheurs à proposer une application de la psychologie de la personnalité à la performance professionnelle en s’appuyant sur des outils scientifiquement validés.
Leur vision était double :
Refuser une approche purement clinique ou thérapeutique de la personnalité.
Fonder une évaluation scientifique, prédictive et actionnable, orientée vers le monde du travail.
Contrairement à des outils typologiques comme le MBTI, très utilisés mais moins validés empiriquement, l’approche Hogan repose sur une mesure factorielle structurée des traits de personnalité selon les normes psychométriques internationales.
L’entreprise Hogan Assessment Systems, fondée en 1987, s’est depuis imposée dans plus de 50 pays, avec des instruments traduits, étalonnés et utilisés dans le recrutement, la gestion des talents, le développement du leadership et le coaching de performance.
1.2 Modèles psychologiques sous-jacents
L’ensemble de l’outil repose sur trois grands modèles théoriques issus de la psychologie scientifique :
1.2.1 Le modèle des Big Five (ou OCEAN)
C’est le socle du Hogan Personality Inventory (HPI).
Les Big Five, ou cinq grands facteurs de la personnalité, sont issus des travaux lexicaux de Goldberg, McCrae et Costa, et représentent un consensus scientifique robuste sur les dimensions fondamentales de la personnalité. Il s’agit de :
Ouverture à l’expérience
Conscience professionnelle (Conscientiousness)
Extraversion
Agréabilité (Agreeableness)
Neuroticisme (ou stabilité émotionnelle)
Le HPI adapte ces dimensions à des contextes professionnels, les reformule en comportements observables et en compétences sociales ou managériales.
1.2.2 La théorie des mécanismes de défense de Karen Horney
Elle fonde le Hogan Development Survey (HDS).
Karen Horney, psychanalyste néo-freudienne, a proposé une vision dynamique de la personnalité, centrée sur la gestion de l’angoisse fondamentale et les stratégies relationnelles associées. Elle identifie trois types de réponses :
Moving Toward People (plaire, dépendre)
Moving Against People (dominer, attaquer)
Moving Away From People (se retirer, fuir)
Hogan transpose ces dynamiques dans le monde professionnel en identifiant 11 traits de déraillage, qui sont des forces devenues excessives ou rigides, souvent inconscientes, émergentes sous pression.
1.2.3 La théorie des valeurs personnelles et des motivations profondes
Elle structure le MVPI (Motives, Values, Preferences Inventory).
Le MVPI s’inspire des travaux sur les systèmes de valeurs (notamment ceux de Milton Rokeach et Shalom Schwartz), ainsi que des concepts issus de la psychologie humaniste (Maslow, McClelland) concernant la motivation. Il s’agit de capter ce qui a du sens pour la personne, ce qui lui donne énergie et direction, et ce qui constitue le socle de sa culture personnelle.
1.3 Positionnement dans le champ de la psychométrie
L’approche Hogan est rigoureusement alignée avec les standards internationaux de la psychométrie moderne, tels que définis par :
L’American Psychological Association (APA)
L’International Test Commission (ITC)
Le Standards for Educational and Psychological Testing
Caractéristiques psychométriques attendues :
Fidélité (cohérence interne, stabilité test-retest)
Validité (construite, prédictive, discriminante)
Normes (échantillons de référence larges, actualisés, internationalisés)
Neutralité culturelle et linguistique (traductions validées, biais culturels identifiés)
Précaution dans l’usage : réservé à des professionnels formés, avec un cadre d’interprétation éthique.
Contrairement à des outils plus intuitifs ou descriptifs (ex. : MBTI, Ennéagramme, DISC), Hogan repose sur une analyse factorielle confirmatoire, des corrélations avec des critères objectifs de performance et des publications scientifiques disponibles en accès public.
II. LES TROIS INSTRUMENTS HOGAN EN DÉTAIL
Les trois questionnaires développés par Hogan sont conçus pour offrir une lecture complémentaire et dynamique de la personnalité. Ils répondent respectivement à trois questions clés :
HPI : Comment me perçoit-on en situation professionnelle normale ?
HDS : Que risque-t-il d’émerger chez moi sous stress ou en contexte de tension ?
MVPI : Qu’est-ce qui me motive profondément ? Qu’est-ce que je valorise dans la vie et au travail ?
2.1 HPI – Hogan Personality Inventory
Objectif :
Évaluer la personnalité observable en contexte stable, c’est-à-dire le style interpersonnel, les modes de fonctionnement habituels et les compétences sociales perçues par autrui.
Fondement théorique :
Inspiré du modèle des Big Five, mais reformulé en termes de performances sociales, relationnelles et professionnelles.
Structure :
Le HPI comporte 7 grandes échelles composées de 41 sous-dimensions.
Ambition : niveau d’énergie compétitive, assurance, volonté de diriger
Sous-facettes : Leadership, Compétition, Détermination
Sociabilité : degré de besoin d’interaction et de stimulation sociale
Sous-facettes : Contact facile, Parler en public, Besoin d’interaction
Sensibilité interpersonnelle : tact, diplomatie, capacité à coopérer
Sous-facettes : Empathie, Tendance au compromis, Sens relationnel
Prudence : tendance à respecter les règles, planification et organisation
Sous-facettes : Discipline, Conformisme, Préférence pour les règles
Recherche de nouveauté : ouverture à l’innovation, créativité
Sous-facettes : Curiosité intellectuelle, Goût pour le changement
Esprit d’analyse : rationalité, rigueur logique, objectivité
Sous-facettes : Capacité de raisonnement, Pensée critique
Stabilité émotionnelle : gestion du stress, résilience émotionnelle
Sous-facettes : Sérénité, Maîtrise de soi, Confiance intérieure
Interprétation en coaching :
Identifier les ressources naturelles dans la posture professionnelle.
Discerner les écarts perçus entre soi et autrui (effet miroir, attentes sociales).
Travailler l’alignement entre comportements spontanés et objectifs professionnels.
2.2 HDS – Hogan Development Survey
Objectif :
Identifier les comportements à risque ou les traits de déraillage, c’est-à-dire des dimensions de la personnalité sous-optimales qui apparaissent sous stress, fatigue, ennui ou pression.
Fondement théorique :
Basé sur la théorie de Karen Horney (comportements défensifs : fuir, plaire, attaquer) et sur la perspective que les qualités deviennent pathologiques quand elles sont exagérées.
Structure :
Le HDS comporte 11 dimensions, regroupées en 3 familles :
A.
Moving Away From Others (retrait)
Réservé : tendance à s’isoler, froid émotionnel
Sceptique : méfiance excessive, suspicion, hypervigilance
Prudent : peur du jugement, évitement de l’initiative
Pessimiste : anticipation négative, découragement rapide
B.
Moving Toward Others (besoin de validation)
Dépendant : besoin fort de validation et d’encadrement
Soucieux de plaire : recherche excessive de l’adhésion
Exalté : émotionnalité instable, hypersensibilité
C.
Moving Against Others (affirmation agressive)
Arrogant : besoin de supériorité, difficulté à reconnaître ses torts
Capricieux : impulsivité, rejet des contraintes
Risque-tout : goût du danger, mépris des règles
Imaginatif : pensée divergente, bizarrerie, décrochage de la réalité
Interprétation en coaching :
Explorer les mécanismes de protection et de suradaptation inconsciente.
Identifier les comportements de rupture relationnelle.
Créer un espace pour transformer ces traits en sources d’attention consciente.
Important :
Le HDS n’est pas un outil de diagnostic clinique, mais de prévention. Il ne pathologise pas, mais éclaire les zones à risque de déraillement dans un environnement professionnel.
2.3 MVPI – Motives, Values, Preferences Inventory
Objectif :
Comprendre les valeurs fondamentales, les sources d’engagement durable et le type de culture organisationnelle dans lequel la personne se sentira alignée.
Fondement théorique :
Inspiré des théories de Maslow, McClelland, Schwartz, et des approches motivationnelles humanistes.
Structure :
Le MVPI mesure 10 dimensions de valeur personnelle :
Reconnaissance : besoin de visibilité, de succès reconnu publiquement
Pouvoir : goût pour l’influence, la prise de décision, le contrôle
Hédonisme : recherche de plaisir, de diversité, de stimulation
Affiliation : importance accordée aux liens sociaux et à l’appartenance
Altruisme : orientation vers les besoins d’autrui, sens du service
Tradition : attachement aux règles, à l’éthique, aux rituels
Sécurité : besoin de prévisibilité, stabilité, évitement du risque
Commerce : attrait pour les résultats tangibles, l’argent, les profits
Esthétique : sensibilité artistique, environnement raffiné, style
Science : amour de la logique, de la vérité, intérêt pour les idées
Interprétation en coaching :
Aligner les valeurs personnelles avec l’environnement professionnel.
Identifier les motivations profondes non reconnues ou non satisfaites.
Repérer les sources de dissonance ou de souffrance professionnelle.
2.4 Modalités pratiques : passation, notation, restitution
Passation :
En ligne, durée moyenne de 15 à 20 minutes par questionnaire.
Réponses sous forme de Vrai / Faux ou de degrés d’accord.
Traitement des résultats :
Scores bruts transformés en percentiles, par rapport à une population de référence normée internationalement.
Les profils sont contextualisés selon l’âge, la langue, le pays, le secteur professionnel, etc.
Restitution :
Possible sous forme de rapport automatisé (profil standard) ou de rapport approfondi pour les coachs certifiés.
Une restitution professionnelle demande une formation certifiante à la méthode Hogan, pour éviter toute mésinterprétation.
III. INTÉGRATION EN COACHING INDIVIDUEL
3.1 Posture du coach face aux résultats Hogan
Le coach n’est ni interprète absolu, ni détenteur de vérité. Il devient médiateur de sens entre un profil psychométrique et l’expérience vécue du client.
Principes fondamentaux de posture :
Humilité : un test n’épuise jamais la complexité d’un être.
Neutralité bienveillante : ne jamais projeter ses propres valeurs sur les scores.
Validation par le client : « Est-ce que cela résonne pour vous ? »
Alliage du factuel et du subjectif : mêler données objectives et récits personnels.
Un bon coaching Hogan ne cherche pas à faire entrer la personne dans les cases du test, mais à ouvrir des pistes de compréhension, de recul, de lucidité.
3.2 Méthodologie de débrief et co-analyse
Voici une démarche structurée pour une séance de débriefing Hogan en coaching :
Étape 1 – Cadre éthique clair
onsentement éclairé à la passation.
Confidentialité absolue.
Droit du client à ne pas commenter certains éléments.
Étape 2 – Restitution du HPI
Lecture des forces naturelles (ex. : sociabilité haute → capacité de fédération).
Exploration des effets de seuil (ex. : ambition très haute → domination possible).
Observation des écarts entre perception de soi et projection sociale.
Étape 3 – Restitution du HDS
Introduction prudente : « Ce test ne vous dit pas qui vous êtes, mais ce qui pourrait apparaître dans certains contextes. »
Identifier les mécanismes de défense actifs (fuite, contrôle, surinvestissement…).
Chercher les récits de vie associés à chaque trait (ex. : prudence élevée → peur de l’échec répétée ?).
Étape 4 – Restitution du MVPI
Demander : « Quelles valeurs de cette liste seraient non négociables pour vous ? »
Identifier les tensions de sens (ex. : valeur d’altruisme dans une organisation orientée résultats).
Travailler la cohérence entre moteur intérieur et environnement externe.
Étape 5 – Mise en lien des trois outils
HPI : ce que je montre.
HDS : ce que je crains ou fuis.
MVPI : ce qui me nourrit profondément.
Ce croisement génère des hypothèses puissantes pour le travail en profondeur.
3.3 Articulation avec le cycle de développement du coaché
Le test Hogan devient particulièrement fécond lorsqu’il est mis en lien avec les objectifs de transformation du coaché. Par exemple :
Coaching de posture managériale : explorer comment certaines forces (HPI) deviennent des rigidités sous pression (HDS), et comment les valeurs (MVPI) peuvent fonder un leadership plus authentique.
Coaching de reconversion : détecter les incohérences entre valeurs personnelles (MVPI) et culture organisationnelle, pour réorienter un projet de vie.
Coaching de régulation relationnelle : comprendre les mécanismes de retrait, de confrontation ou de suradaptation (HDS), en lien avec l’image sociale portée (HPI).
L’outil devient un miroir structuré, au service de la narration, de la mise à jour, et de la transformation.
3.4 Exemple de cas fictif interprété pas à pas
Contexte :
Anne, 39 ans, directrice d’un service RH dans une grande entreprise. Elle consulte en coaching pour un sentiment d’épuisement progressif, une perte de sens, et des tensions fréquentes avec sa hiérarchie.
Résultats Hogan :
HPI : Ambition haute, Prudence élevée, Stabilité émotionnelle moyenne
HDS : Prudent + Sceptique très élevés, Arrogant en modéré
MVPI : Altruisme très haut, Pouvoir modéré, Sécurité élevée
Analyse en coaching :
Forces (HPI) : Anne est performante, exigeante, organisée, déterminée.
Risque sous stress (HDS) : Dès qu’un risque émerge, elle s’inhibe, doute, anticipe le rejet, et devient méfiante. Son énergie se retourne contre elle-même.
Motivation (MVPI) : Ce qui lui importe : être utile, être en lien, protéger ses équipes. Elle se sent étrangère dans une culture orientée contrôle et chiffres.
Intervention du coach :
Travailler sur la réhabilitation de ses valeurs profondes comme source de puissance (et non de fragilité).
Identifier les comportements de retrait et les transformer en actions conscientes (ex. : oser poser des limites).
Réinterroger le cadre professionnel à la lumière de ses moteurs et de ses besoins.
IV. APPLICATIONS AVANCÉES
4.1 Analyse de profils d’équipe (Team Report)
Objectif :
Comprendre comment les personnalités individuelles se combinent pour former une culture d’équipe, identifier les forces collectives, les angles morts, et les dynamismes de groupe sous stress.
Fonctionnement :
Hogan propose des rapports d’équipe (Team Reports) générés à partir des données HPI, HDS et MVPI de plusieurs membres d’une même équipe. L’analyse repose sur :
Les traits dominants au sein du collectif.
Les écarts ou tensions internes (ex. : grande variabilité dans les moteurs de motivation).
La gestion des conflits potentiels en lien avec les styles opposés ou complémentaires.
Utilité en coaching collectif ou en séminaire :
Créer un diagnostic partagé, dépersonnalisé, neutre, pour amorcer le dialogue.
Révéler les complémentarités non reconnues.
Identifier les zones de vulnérabilité systémique (ex. : équipe très ambitieuse mais sans stabilité émotionnelle → risque de burn-out collectif).
Fonder un projet d’équipe plus aligné avec les motivations profondes des membres.
4.2 Détection des potentiels et leadership
Objectif :
Repérer les potentiels de leadership, les styles managériaux naturels et les risques associés à la montée en responsabilité.
Apport des outils Hogan :
Le HPI éclaire les compétences sociales et interpersonnelles visibles.
Le HDS anticipe les comportements de rupture ou d’échec en contexte de pression hiérarchique.
Le MVPI permet de comprendre le type de leadership recherché ou incarné (ex. : un leader motivé par le pouvoir, ou par l’esthétique, ou par l’altruisme…).
Exemple d’usage en coaching de prise de poste :
Définir un style de leadership ajusté au contexte de l’équipe.
Identifier les points de vigilance relationnels (ex. : tendance à la microgestion chez un profil prudent + sceptique).
Travailler la congruence entre les moteurs personnels et le rôle attendu.
4.3 Prévention des risques organisationnels et burn-out
Problématique :
Certaines configurations de traits (notamment dans le HDS) peuvent être révélatrices de risques systémiques, tels que :
surcharge mentale,
isolement émotionnel,
conflits latents ou blocages hiérarchiques.
Indicateurs d’alerte typiques :
Combinaisons HDS “toxiques” : Sceptique + Prudent + Pessimiste → syndrome du bunker.
Contradictions internes MVPI/HPI : valeur forte de sécurité dans une fonction d’innovation rapide.
Absence de valeurs partagées dans une équipe → désengagement silencieux.
Utilité du coaching Hogan :
Construire des plans de prévention personnalisés.
Réintégrer la voix du sujet dans des systèmes qui l’objectivent.
Donner à voir les limites invisibles d’un système d’attentes ou de pressions normatives.
4.4 Orientation, reconversion, repositionnement professionnel
Le MVPI est un outil particulièrement précieux dans l’accompagnement de transition, car il permet :
d’identifier les moteurs durables qui résistent au temps et au contexte,
de pointer les incompatibilités culturelles avec certains types d’environnement (entreprise, association, start-up, etc.),
de dégager des hypothèses de milieu professionnel « nourrissant ».
Exemples :
Un profil à très forte valeur Science et Autonomie mais faible en Commerce pourrait mal vivre un poste dans le marketing produit.
Un profil Hédonisme + Affiliation élevé pourrait s’épanouir dans des métiers de lien, d’événementiel, ou de création collective.
Conclusion de la partie IV :
Les outils Hogan permettent de penser au-delà de l’individu : ils éclairent les systèmes, les contextes, les interactions, et les cultures. Utilisés dans une visée systémique et bienveillante, ils participent à la transformation des collectifs tout autant qu’à celle des individus.
V. VALIDITÉ SCIENTIFIQUE ET ROBUSTESSE PSYCHOMÉTRIQUE
L’approche Hogan Assessment Systems est l’une des plus documentées et validées empiriquement dans le champ de la psychométrie appliquée au monde professionnel. Contrairement à des tests descriptifs ou projectifs, Hogan est fondé sur des méthodes statistiques rigoureuses, des normes internationales, et une reproductibilité démontrée.
5.1 Fiabilité : cohérence interne et stabilité temporelle
Définitions clés :
Cohérence interne : les items d’une même échelle mesurent bien le même concept.
Fidélité test-retest : un même individu, repassant le test dans des conditions comparables, obtient des résultats similaires.
Résultats scientifiques :
Alpha de Cronbach des échelles du HPI : généralement > 0,75 (niveau élevé)
Stabilité temporelle (test-retest sur 6 mois à 1 an) : coefficients de corrélation > 0,80 sur la plupart des dimensions.
Ces niveaux de fidélité dépassent largement ceux de tests typologiques populaires comme le MBTI (alpha moyen autour de 0,50 à 0,60).
Références :
Hogan, R., & Hogan, J. (2001). Assessing leadership: A view from the dark side. International Journal of Selection and Assessment, 9(1‐2), 40–51.
Hogan Assessment Systems Technical Manuals (disponibles pour les utilisateurs certifiés).
5.2 Validité : construite, prédictive, convergente
A. Validité de construit
C’est la capacité du test à mesurer ce qu’il prétend mesurer, en s’appuyant sur :
des analyses factorielles confirmatoires,
la distinction empirique entre les échelles.
Résultat : chaque instrument (HPI, HDS, MVPI) présente une structure factorielle solide et cohérente avec les hypothèses théoriques initiales.
B. Validité prédictive
C’est la capacité du test à prédire des comportements professionnels mesurables (performance, engagement, leadership, turnover, etc.).
Exemples de corrélations démontrées :
HPI et performance évaluée par les pairs ou supérieurs (r ≈ 0,30 à 0,40)
HDS et erreurs de jugement / conflits hiérarchiques
MVPI et satisfaction au travail, alignement culturel
C. Validité convergente et discriminante
Les dimensions des outils Hogan correspondent de manière attendue à d’autres mesures connues (NEO-PI-R, HEXACO, etc.), tout en maintenant leur spécificité.
Exemple :
La dimension “Stabilité émotionnelle” du HPI est corrélée négativement avec le neuroticisme du Big Five, mais pas avec des traits indépendants comme l’ouverture ou la conscience.
5.3 Échantillons normatifs et internationalisation
Les instruments Hogan ont été étalonnés sur des centaines de milliers de sujets à travers le monde, avec une attention particulière à la diversité culturelle, sectorielle et linguistique.
Exemples :
Échantillon international HPI : > 500 000 individus dans plus de 30 pays
Traductions validées dans 45 langues
Normes sectorielles disponibles (finance, santé, IT, industrie, etc.)
Adaptations interculturelles testées par des analyses de biais et d’équité psychométrique
Cela permet de contextualiser les résultats du client par rapport à des groupes pertinents, et d’éviter des lectures uniformes et erronées.
5.4 Limites méthodologiques et précautions
Aucun outil, même bien construit, n’est exempt de limites scientifiques, que voici de manière rigoureuse :
A. Biais d’auto-évaluation
Les tests Hogan reposent sur des questionnaires auto-administrés. Même avec des mécanismes de détection des réponses biaisées (ex. : faking good), la désirabilité sociale ou le manque de lucidité de soi peuvent fausser les réponses.
B. Épuisement des catégories
La réduction à des traits de personnalité implique un appauvrissement de la narration personnelle, si elle n’est pas complétée par un travail réflexif.
C. Risque d’usage prescriptif
Certains environnements professionnels utilisent Hogan à des fins de tri ou de sélection, en figeant les résultats dans une lecture normative ou discriminante. Cela va à l’encontre de l’esprit du coaching.
D. Limites face aux profils neurodivergents
Les personnes avec des profils atypiques (TSA, HPI, TDAH, etc.) peuvent obtenir des résultats qui dépassent les bornes de normalité statistique, mais sans que cela soit problématique en soi. Une lecture individualisée et contextualisée est ici indispensable.
VI. REGARDS CRITIQUES ET LIMITES ÉTHIQUES
Les tests Hogan, aussi robustes soient-ils, ne sont pas neutres. Ils s’inscrivent dans une certaine épistémologie de la personnalité, une certaine vision de l’humain au travail, et peuvent produire des effets structurants, voire contraignants, sur les personnes et les environnements dans lesquels ils sont utilisés.
6.1 Réduction des sujets à des traits ?
Problème :
Tout test de personnalité, même scientifiquement valide, opère une réduction modélisante : il extrait de la personne une série de traits mesurables, supposés stables et prédictifs.
Mais la personnalité ne se résume pas à :
une somme de traits,
une image projetée,
un comportement typique.
L’expérience humaine est aussi :
mouvante,
contextuelle,
narrative.
Conséquence :
Un coaching exclusivement fondé sur les résultats Hogan peut figer une personne dans une identité « profilée », au lieu de l’aider à se déployer dans sa singularité. Cela appelle à une lecture ouverte, dialogique, et jamais prescriptive.
6.2 Normativité implicite dans les modèles comportementaux
Constat :
Le HPI valorise certaines qualités dites « adaptatives » :
ambition,
stabilité émotionnelle,
prudence,
sociabilité…
Or, dans certains contextes, des traits « faibles » (ex. : faible ambition ou sociabilité) peuvent refléter :
une sagesse personnelle,
un besoin d’intériorité,
un choix existentiel.
Risque :
Lire les résultats à travers une grille managériale dominante peut conduire à pathologiser la différence.
Exemple :
Un profil très introverti mais très compétent techniquement peut être injustement disqualifié dans une culture extravertie, alors que sa contribution est essentielle.
6.3 Adaptation aux profils atypiques ou neurodivergents
Les profils de personnes :
à haut potentiel intellectuel (HPI),
porteuses de TSA (trouble du spectre autistique),
présentant un TDAH,
ou vivant avec une hypersensibilité forte,
peuvent donner lieu à des résultats « hors norme » sur les échelles Hogan (ex. : extrêmes dans plusieurs dimensions HDS ou MVPI).
Limites du test :
Ces résultats ne signalent pas une déficience, mais une atypie de fonctionnement.
L’interprétation nécessite une compétence spécifique du coach sur la neurodiversité.
Bonne pratique :
Ne jamais interpréter un profil extrême comme un signe de danger sans contextualisation humaine.
Intégrer la subjectivité du client : comment vit-il ces traits ? Que signifient-ils pour lui ?
6.4 Problèmes en contexte interculturel
Malgré l’effort de Hogan pour développer des normes internationales, le test reste fondé sur des valeurs issues d’une culture nord-américaine blanche, performative et individualiste.
Conséquences possibles :
Un trait valorisé dans une culture peut être perçu négativement dans une autre (ex. : ambition très haute dans un contexte collectif asiatique).
Le test peut mésinterpréter certains comportements culturels comme des déraillages (ex. : réserve, prudence).
Enjeux :
Intégrer la dimension culturelle dans l’interprétation.
Adapter les restitutions aux codes et valeurs du client.
6.5 Risques d’usage prescriptif ou instrumental en entreprise
Contexte :
Certaines organisations utilisent Hogan comme un outil de tri, d’évaluation, de classement, parfois à l’insu de la personne.
Dérives possibles :
Réduire un profil à un « fit » ou un « non-fit » culturel.
Utiliser les résultats comme preuve objective pour exclure, licencier ou stigmatiser.
Position éthique du coach :
Rappeler que Hogan est un outil d’exploration, pas de jugement.
Défendre une lecture humaniste et dialogique du profil.
Refuser de participer à des pratiques qui instrumentalisent l’humain.
Conclusion de la partie VI :
L’outil Hogan, pour rester un levier d’évolution, doit être utilisé avec conscience. Il éclaire, mais ne doit jamais enfermer. Il guide, mais ne doit jamais prescrire. Il cartographie, mais ne doit jamais révoquer la capacité d’une personne à se raconter autrement.
VII. ENJEUX POUR UNE PRATIQUE ÉTHIQUE ET CONSCIENTE
Utiliser Hogan, ce n’est pas seulement administrer un test. C’est entrer dans un rapport sensible à l’humain, avec ce qu’il révèle, ce qu’il tait, ce qu’il espère ou redoute. C’est offrir un miroir, non pour s’y enfermer, mais pour oser s’y regarder avec justesse, lucidité et respect.
7.1 De la typologie à la singularité : ouvrir le sens
Point de départ :
Les outils Hogan proposent des grilles, des traits, des échelles, des modèles. Ces structures sont précieuses. Elles permettent de nommer des invariants, d’objectiver certains mécanismes, de favoriser une mise à distance utile.
Mais aucune grille ne doit remplacer le récit du sujet.
Tension féconde :
Le test donne des repères.
Le coaching permet une appropriation vivante de ces repères.
Exemple de posture :
Ne pas dire : « Vous êtes prudent à 91 %, cela veut dire que vous évitez les décisions. »
Mais plutôt : « Il semble que, dans certaines circonstances, la prudence soit très présente. À quoi cela vous renvoie-t-il dans votre histoire, dans vos choix récents ? »
7.2 Éclairer sans enfermer
Un profil Hogan peut révéler :
une tension entre valeurs vécues et valeurs déclarées,
des forces devenues rigides,
des stratégies de protection invisibles, pourtant actives.
Mais ces révélations ne sont fécondes que si elles sont :
nommées avec tact,
accueillies sans jugement,
mises au service d’un mouvement vivant.
Le danger est de figer la personne dans un portrait figé au lieu de l’accompagner dans une mise en mouvement : de l’inconscience vers la lucidité, de la rigidité vers la souplesse, du conditionnement vers le choix.
7.3 Intégrer Hogan dans une posture de présence
Le coach certifié Hogan n’est pas là pour « lire des résultats ». Il est là pour :
créer un espace de parole élargi,
tenir la complexité des contradictions internes sans les réduire,
honorer la dignité de la subjectivité.
Le test est un appui, mais c’est la qualité de présence du coach qui en détermine la fécondité.
Cela implique :
Être capable de laisser de côté le test quand il ne parle pas au client.
Accueillir l’inattendu, la surprise, les larmes, le silence.
Oser interroger ce que le test ne dit pas, n’entend pas, ne capte pas.
7.4 Alternance entre écoute narrative et grille analytique
Une pratique éthique repose sur une danse consciente entre :
le modèle (structure, données, repères),
l’histoire vivante (émotions, bifurcations, intentions).
Cela suppose :
De savoir lire une carte… sans oublier qu’elle n’est pas le territoire.
De proposer des hypothèses… sans les ériger en vérités.
De donner accès à la connaissance… sans voler la parole au sujet.
Mot de clôture
Le Hogan Assessment Systems, utilisé avec rigueur, conscience et humanité, devient bien plus qu’un outil. Il devient une fenêtre sur soi, une opportunité de lucidité, une porte vers une parole restaurée.
Mais il n’est ni la vérité d’un être, ni la clef d’une destinée.
Le véritable travail commence quand la personne reprend ses résultats, les interroge, les dépasse, et ose dire :
« Voilà ce que je décide d’en faire. »
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