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Vivre la pensée scientifique comme un art de la lucidité




Module 1 — Ce que penser veut dire : hypothèses, erreurs et révisions

Intention du module

Découvrir que penser de façon scientifique, ce n’est pas accumuler des certitudes, mais oser poser des hypothèses, accepter de se tromper, et surtout, savoir changer d’avis en fonction des faits. C’est un apprentissage de la souplesse mentale, de l’honnêteté intellectuelle et de la rigueur.

Contenus clés

1. Hypothèse : la pensée comme élan de curiosité

Une hypothèse n’est pas une certitude faible : c’est une proposition testable, formulée de façon claire et délimitée.

Elle ne cherche pas à convaincre, mais à explorer. Là où la certitude prétend au définitif, l’hypothèse assume l’incertitude fertile. Elle trace un chemin, non pour prouver ce qu’on croit déjà, mais pour éprouver ce qui pourrait être vrai. Elle engage une démarche rigoureuse, structurée, où la clarté de la formulation est essentielle : pas de flou, pas de supposition implicite. Elle est construite pour pouvoir être confrontée au réel, pour être validée ou invalidée. Dans ce sens, elle est un outil de lucidité, bien plus qu’un signe de doute.

Elle est toujours située dans un contexte : un champ de questionnement, un langage, des outils disponibles.

Aucune hypothèse ne flotte dans un vide neutre. Elle prend naissance dans un univers de sens, façonné par les questions que l’on se pose, les repères dont on dispose, les méthodes d’exploration qu’on reconnaît comme légitimes. Ce contexte est à la fois un socle et une limite. Il conditionne ce qu’on peut formuler, ce qu’on juge pertinent, ce qu’on considère comme observable. Une même réalité pourra donner lieu à des hypothèses très différentes selon qu’on la regarde en biologiste, en sociologue ou en philosophe. C’est pourquoi il est essentiel d’être conscient du cadre dans lequel on pense : le langage utilisé, les concepts mobilisés, les outils choisis pour explorer. Sans cette vigilance, on risque de confondre l’univers de l’hypothèse avec celui du réel lui-même — oubliant que toute démarche scientifique ou réflexive est ancrée dans une culture, une époque, un système de pensée. L’hypothèse devient alors non seulement un point de départ pour interroger le monde, mais aussi un miroir de nos propres manières de le construire.

Exemple célèbre :

L’hypothèse d’Einstein selon laquelle la lumière est déviée par la gravité a été testée lors de l’éclipse de 1919 par Arthur Eddington.

Une hypothèse forte n’a pas besoin d’être évidente ; elle a besoin d’être falsifiable.

(Karl Popper, Logik der Forschung, 1934)

(Selon moi, le terme « falsifiable » , dans son sens littéral, n’est pas opportun mais je cite tel que formulé par l’auteur)

« Une hypothèse rigoureuse n’a pas besoin de sembler vraie au premier regard. Elle a besoin d’être construite de telle manière qu’elle puisse, si le réel le contredit, être réfutée. »

2. L’erreur comme moteur du savoir

En science, se tromper n’est pas un échec, c’est une opportunité.

Une hypothèse réfutée fait avancer la compréhension du réel, en éliminant ce qui ne fonctionne pas.

La peur de l’erreur est un frein à la pensée vivante.

Référence centrale :

Karl Popper, philosophe des sciences, considère que toute théorie scientifique doit pouvoir être réfutée.

« Le progrès scientifique repose sur une série d’erreurs corrigées. »

3. Révision : changer d’avis, un acte de lucidité

Une personne rigoureuse s’autorise à réviser ses positions : c’est un acte de force intérieure, pas de faiblesse.

La capacité à mettre à jour ses représentations selon de nouvelles données est un signe d’intelligence adaptative.

Référence cognitive :

Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie, Thinking, Fast and Slow) montre que notre cerveau déteste changer d’avis — le biais de confirmation nous pousse à chercher ce qui conforte nos croyances.

Pourquoi notre cerveau déteste changer d’avis

À la lumière des travaux de Daniel Kahneman (Prix Nobel d’économie, auteur de Thinking, Fast and Slow*)*

Daniel Kahneman a profondément transformé notre compréhension du fonctionnement de l’esprit humain. Loin de l’image d’un cerveau rationnel et objectif, il décrit une pensée structurée autour de deux systèmes :

Le système 1, rapide, intuitif, émotionnel, qui agit sans effort ni réflexion consciente.

Le système 2, lent, réfléchi, logique, mais coûteux en énergie mentale.

Changer d’avis, reconsidérer une croyance ou reconnaître qu’on s’est trompé sollicite le système 2, celui qui demande du recul, de la rigueur, et surtout : de l’inconfort cognitif. Ce processus est coûteux, car il implique de remettre en question une structure mentale déjà en place, ce que Kahneman montre comme étant contre-intuitif pour notre cerveau.

L’un des biais cognitifs les plus puissants qu’il décrit est le biais de confirmation :

Nous avons tendance à rechercher, sélectionner et interpréter les informations de manière à confirmer ce que nous croyons déjà, et à écarter ou minimiser celles qui pourraient les contredire.

Autrement dit :

Même face à des preuves objectives, notre cerveau ne cherche pas la vérité, il cherche la cohérence avec ce qu’il croit déjà vrai.

Cela explique pourquoi :

Nous avons du mal à admettre une erreur.

Nous résistons aux arguments contraires, même fondés.

Nous nous accrochons à nos récits intérieurs, même lorsque ceux-ci ne servent plus notre évolution.

Kahneman ne dit pas que nous sommes irrationnels, mais que nous sommes structurellement biaisés. Et ce biais est d’autant plus actif que la croyance touche à notre identité, notre histoire ou nos émotions.

En conclusion :

Changer d’avis est un acte courageux, non pas parce qu’il est rare, mais parce qu’il va à l’encontre du fonctionnement spontané de notre esprit. Cela demande un effort de lucidité, de ralentissement, et souvent un peu d’humilité. Et c’est précisément là que peut naître une pensée plus libre.

Explorations personnelles

1. Journal de pensée

Durant une semaine, chaque jour, note :

Une idée ou croyance que tu tiens pour vraie

Ce qui te fait y croire

Ce qui pourrait, en toute honnêteté, te faire douter de cette idée

But : repérer où tu es en posture d’hypothèse, d’affirmation rigide ou d’ouverture révisable.

2. Expérience mentale — Le pari de la révision

Imagine une personne que tu admires profondément pour la clarté, la justesse et la rigueur de sa pensée.

Quelqu’un dont l’intelligence t’inspire, dont l’avis a du poids à tes yeux.

Maintenant, imagine que cette personne te dise, calmement, sans intention de blesser :

« Je pense que tu te trompes sur ce point. Voici pourquoi. »

Prends un instant.

Visualise la scène. Entends ses mots. Ressens ce qui se passe en toi, sans rien analyser encore.

Que ressens-tu immédiatement, dans ton corps, dans ton cœur ?Est-ce de la gêne, de la honte, de la contrariété ? Une crispation, une défensive, une blessure d’orgueil peut-être ? Ou bien une ouverture, une curiosité, un trouble neutre ?

Quelle est ta première réaction intérieure ?Est-ce l’envie de te justifier ? De contre-argumenter ? De te refermer ? D’écouter davantage ?

Peux-tu faire la différence entre cette réaction spontanée — affective, défensive ou égotique — et une réponse de fond, rationnelle, réfléchie ?Autrement dit : distingues-tu ce qui est de l’ordre du réflexe émotionnel, de ce qui relève d’un processus de pensée construit et volontaire ?

But de l’exercice :

Apprendre à distinguer ce qui, en soi, relève de la réaction émotionnelle immédiate (souvent liée à l’ego, au besoin d’être reconnu, ou à la peur de l’erreur) de ce qui relève de la capacité d’analyse, du traitement lucide et posé d’un désaccord ou d’une critique.

Car c’est dans cet écart — entre la première impulsion et la réponse choisie — que peut grandir une pensée libre, ancrée et lucide.

Travail hebdomadaire (4 semaines)

Semaine 1

: Lecture

Extrait de L’erreur est humaine, de Pascal Engel – sur l’importance de se tromper pour penser.

Résumé – L’erreur est humaine (Pascal Engel)

Dans cet ouvrage philosophique accessible et rigoureux, Pascal Engel explore une idée essentielle mais souvent négligée : penser, c’est risquer de se tromper. L’erreur n’est pas un accident honteux de la pensée rationnelle, mais une condition de possibilité de tout raisonnement véritable.

Il distingue plusieurs types d’erreurs — logiques, factuelles, interprétatives — mais ce qui l’intéresse surtout, c’est le statut épistémologique de l’erreur : pourquoi avons-nous tant de mal à la reconnaître ? Et pourquoi est-elle si précieuse ?

Engel montre que l’erreur, loin d’être le contraire de la pensée, en est le moteur :

Elle nous force à ajuster nos croyances, à réviser nos raisonnements.

Elle rend possible le débat, la critique, la progression intellectuelle.

Elle nous protège de l’illusion de savoir.

L’auteur plaide ainsi pour une culture intellectuelle de l’erreur :

Accepter qu’on puisse se tromper, c’est sortir de la posture défensive et entrer dans un rapport plus humble, mais aussi plus fécond, à la vérité.

Semaine 2

: Application

Repérer, dans un échange ou un texte, une affirmation non justifiée. Reformule-la en hypothèse.

Exemple :

« Les jeunes ne s’intéressent plus à rien »

→ « Certains jeunes semblent moins motivés dans des contextes scolaires traditionnels. Quelles causes possibles ? »

Semaine 3

: Auto-analyse

Choisis une croyance forte que tu as (ex : « je suis quelqu’un de rationnel »)

→ interroge :

Sur quoi est-ce fondé ?

Quand cette croyance s’est-elle formée ?

Est-elle testée dans les faits ?

Semaine 4

: Retour sur ton journal de pensée

Lis-le comme si c’était celui d’un autre. Qu’y vois-tu ? Où es-tu souple ? Où résistes-tu à l’idée d’avoir tort ?

Objectifs d’intégration du module

Apprendre à formuler clairement des hypothèses.

Repérer les moments où tu confonds une croyance avec un fait.

T’entraîner à accepter l’erreur comme étape fertile.

Faire de la révision de tes idées un processus normal, fluide et fécond.

———————

Module 2 — La beauté du doute : philosophie et science

Intention du module

Redonner au doute sa noblesse. Dans une société qui valorise les opinions fortes et les convictions immédiates, la science nous apprend une vertu rare : celle de suspendre le jugement, de rester disponible à la complexité, et de préférer l’inconfort de l’incertitude à l’illusion de la certitude.

Contenus clés

1. Le doute : faiblesse ou force ?

En science, le doute n’est ni passivité ni relativisme, mais une exigence méthodologique.

Douter, ce n’est pas refuser de croire ; c’est vouloir fonder ses croyances sur quelque chose de solide.

Il existe un doute stérile (celui qui nie tout) et un doute fécond (celui qui cherche à comprendre mieux).

Référence :

René Descartes, dans ses Méditations métaphysiques, affirme que le doute est le point de départ du savoir :

« Je pense, donc je suis » naît du doute radical, mais méthodique.

2. La suspension du jugement : une discipline intérieure

En philosophie antique, l’épochè (ἐποχή) désigne l’acte volontaire de mettre entre parenthèses son opinion, le temps d’examiner une question sans être dominé par ses préjugés.

C’est une posture de retenue intellectuelle, pas de neutralité vide.

Référence :

Les sceptiques grecs (Pyrrhon, Sextus Empiricus) prônaient cette attitude pour atteindre l’ataraxie, la tranquillité de l’esprit.

« Suspendre son jugement, ce n’est pas ne rien penser, c’est ne pas conclure trop vite. »

3. Le doute en science : un cadre structurant

Contrairement au doute radical de Descartes, le doute scientifique est pragmatique et organisé.

Il suppose :

Une capacité à poser des questions claires.

Des outils pour tester.

Une volonté d’accepter les résultats, même décevants.

Référence :

Richard Feynman, physicien et pédagogue génial, disait :

« La science est la croyance dans l’ignorance des experts. »

Il affirmait que le doute est le moteur du progrès, pas un frein.

Explorations personnelles

1. Mini-pratique quotidienne : “Je ne sais pas encore”

Pendant une semaine, repère chaque fois où tu formules une opinion hâtive.

Pose-toi :

Et si je laissais cette question en suspens ?

Qu’est-ce que je gagnerais à tolérer l’inconnu ici ?

Objectif : muscler ton aptitude à attendre avant de juger, surtout dans les domaines ambigus (émotions, relations, sens, actualité…).

2. Dialogue intérieur : le conseil du sceptique

Imagine une situation dans laquelle tu as une opinion tranchée (ex : « les réseaux sociaux sont toxiques », ou « cette personne est injuste avec moi »).

Invite en toi un “ami sceptique” (imaginaire ou réel), et fais-le t’interroger avec bienveillance :

Sur quoi bases-tu ton jugement ?

Qu’est-ce que tu ne vois peut-être pas ?

Quelles données, si elles existaient, pourraient te faire changer d’avis ?

Objectif : accueillir un espace de non-savoir sans t’en défendre.

Travail hebdomadaire (4 semaines)

Semaine 1 : Lecture

Extraits choisis de L’Empire des croyances de Gérald Bronner — sur la difficulté cognitive à suspendre le jugement face à l’incertitude.

Semaine 2 : Observation du langage

Repère dans tes échanges (ou ceux que tu entends) les formulations suivantes :

« C’est évident que… »

« Tout le monde sait que… »

« Franchement, il n’y a pas de débat… »→ Reformule-les en phrases qui tolèrent le doute :« Il me semble que… », « Selon ce que je crois pour l’instant… »

Semaine 3 : Auto-analyse

Choisis une opinion que tu exprimes souvent.

Quelle est sa base réelle (fait, ressenti, ou opinion partagée) ?

Quelle est la dernière fois que tu l’as remise en question ?

Serais-tu prêt à dire : « Je n’en sais pas assez pour trancher » ?

Semaine 4 : Écriture réflexive

Rédige un court texte intitulé :

« Ce que je gagne à ne pas savoir »

Laisse venir les réponses. Peut-être y trouveras-tu de la liberté, du mouvement, du silence fertile.

Objectifs d’intégration du module

Développer une relation saine au doute, comme signe de maturité intellectuelle.

Apprendre à suspendre ton jugement sans t’effondrer dans le relativisme.

Renforcer ta capacité à penser lentement, même dans un monde rapide.

Identifier les moments où tu conclus par peur, et non par lucidité.

——————-

Module 3 — Appliquer la pensée critique à soi-même

Intention du module

Beaucoup parlent de pensée critique pour questionner les autres, les croyances sociales, les discours politiques… Mais peu osent retourner le projecteur vers leur propre pensée. Ce module invite à pratiquer une forme d’honnêteté intellectuelle radicale, sans se juger, mais en observant nos propres raccourcis mentaux, nos biais, nos raisonnements boiteux.

Contenus clés

1. La pensée critique n’est pas une attaque, c’est une lucidité

Elle ne sert pas à “avoir raison” contre les autres, mais à voir plus clair pour agir en conscience.

C’est une posture intérieure d’auto-surveillance bienveillante.

Référence :

Albert Moukheiber, neuroscientifique et psychologue, insiste sur le fait que nos biais cognitifs s’appliquent à tous, même (et surtout) quand on croit y échapper.

« On est tous biaisés, et c’est normal. L’essentiel est d’en avoir conscience. »

(Votre cerveau vous joue des tours, 2019)

2. Identifier les biais cognitifs personnels

Quelques biais fréquents à observer chez soi :

Biais de confirmation : on cherche surtout ce qui conforte ce qu’on pense déjà.

Effet Dunning-Kruger : on surestime ses compétences dans un domaine qu’on maîtrise mal.

Biais de disponibilité : on évalue une situation en fonction des exemples les plus accessibles à notre mémoire, pas des plus représentatifs.

Biais de négativité : on accorde plus de poids au négatif qu’au positif.

Référence :

Daniel Kahneman, dans Thinking, Fast and Slow, montre que notre cerveau a deux systèmes de pensée :

le système 1, rapide, intuitif, émotionnel

le système 2, lent, analytique, exigeantLa pensée critique, c’est apprendre à ralentir pour activer le système 2.

3. Méta-pensée : observer le fonctionnement de sa propre pensée

La métacognition, c’est penser sur sa manière de penser.

Elle permet de repérer quand on se laisse embarquer par un raccourci mental, une émotion, ou une croyance non vérifiée.

Référence :

Stanislas Dehaene, neuroscientifique, affirme que la conscience métacognitive est une clé de l’apprentissage intelligent, car elle permet de corriger ses erreurs sans s’y identifier.

Explorations personnelles

1. Le “journal du biais”

Pendant une semaine, note chaque fois que :

tu formules une conclusion rapide

tu affirmes quelque chose sans preuve

tu rejettes une idée par réflexe

Puis reviens sur ces moments :

Quel biais était peut-être à l’œuvre ?

Qu’est-ce que tu n’as pas envisagé ?

Comment aurais-tu pu reformuler ?

2. Dialogue intérieur — le comité des sceptiques

Imagine que ta propre pensée soit passée au crible par un comité imaginaire bienveillant, composé d’un scientifique, d’un philosophe, d’un enfant curieux, et d’un contradicteur rigoureux.

Pour une idée que tu tiens pour vraie, fais-leur poser tour à tour :

Une question de clarification

Une demande de preuve

Une hypothèse alternative

Un doute constructif

Objectif : entraîner ta souplesse mentale sans te menacer émotionnellement.

Travail hebdomadaire (4 semaines)

Semaine 1 : Lecture courte

Extrait de Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, de Joule et Beauvois — sur les stratégies d’auto-persuasion inconscientes.

Semaine 2 : Auto-test

Fais un test sur les biais cognitifs (je peux t’en proposer un PDF autonome)

→ Analyse les résultats : t’y retrouves-tu ? Es-tu surpris ? Défensif ? Curieux ?

Semaine 3 : Dialogue écrit

Choisis une idée forte que tu défends souvent.

Écris un petit dialogue avec une personne fictive qui pense exactement l’inverse.

→ Ton objectif : chercher à comprendre sans convaincre.

Semaine 4 : Révision réflexive

Rédige un texte intitulé :

« Comment je me raconte des histoires »

Évoque une croyance que tu as longtemps eue, puis dépassée.

→ Que t’a-t-il fallu pour changer d’avis ? Quelle résistance t’a ralenti ?

Objectifs d’intégration du module

Apprendre à repérer tes propres biais, sans honte ni rigidité.

Développer une métacognition active, dans ta vie quotidienne.

Faire de la pensée critique une pratique intérieure joyeuse, pas une arme contre les autres.

Te sentir plus libre dans ta manière de penser, car moins dupe de tes automatismes.

——————-

Module 4 — Ce que penser veut dire : entre faits, interprétations et croyances

Intention du module

Apprendre à distinguer clairement ce que nous savons, ce que nous pensons savoir, et ce que nous croyons. Comprendre que les faits sont rares, et que la majorité de notre pensée repose sur des interprétations filtrées par notre histoire, nos affects, notre culture. Développer une capacité à discerner ces couches sans les rejeter, mais en les reconnaissant.

Contenus clés

1. Faits, croyances, interprétations : définitions opératoires

Fait : un événement ou une donnée observable, vérifiable, indépendant de l’opinion.Ex. : « L’eau gèle à 0°C à pression normale. »

Interprétation : une mise en sens subjective ou culturelle d’un fait.Ex. : « Si elle n’a pas répondu, c’est qu’elle m’ignore volontairement. »

Croyance : une adhésion mentale à une idée, sans preuve irréfutable, souvent ancrée dans une expérience ou un besoin.Ex. : « L’univers a un sens. »

Référence :

Pascal Engel, dans Les croyances, distingue les croyances épistémiques (orientées vers le vrai) et les croyances affectives, sociales ou identitaires.

2. Pourquoi confondons-nous ces trois niveaux ?

Notre cerveau cherche du sens, pas seulement de la vérité.

Il remplit les blancs de l’information par nos schémas passés.

Une croyance ou une interprétation peut sembler aussi réelle qu’un fait, car elle active les mêmes circuits émotionnels.

Référence cognitive :

Stanislas Dehaene et Hugo Mercier montrent que la raison humaine est moins faite pour découvrir la vérité que pour défendre ses idées au sein d’un groupe (théorie argumentative de la cognition).

3. La carte n’est pas le territoire

Le fait est le territoire.

Ton interprétation est la carte que tu en tires.

Le problème commence quand tu oublies que ta carte est une simplification, une lecture, et que tu la prends pour la réalité même.

Référence :

Alfred Korzybski, philosophe et ingénieur, est à l’origine de cette formule célèbre :

« La carte n’est pas le territoire. »

Explorations personnelles

1. Le triple filtre

Chaque jour, face à une situation qui t’affecte, écris :

Ce que j’ai vu ou entendu (le fait brut)

Ce que j’en ai pensé (mon interprétation)

Ce que je crois en arrière-plan (croyance sous-jacente)

Exemple :

Elle n’a pas répondu à mon message (fait).

Elle me rejette, elle ne tient pas à moi (interprétation).

Je crois que si on m’aime, on répond toujours vite (croyance).

2. Exercice de dissociation

Prends une situation de conflit ou de malentendu vécue récemment.

Reformule-la à la lumière des trois filtres :

Qu’est-ce qui est objectivement arrivé ?

Quelle est ton lecture ?

Quelle croyance t’a influencé dans ton interprétation ?

But : apprendre à ne pas tout croire… même ce que tu penses.

Travail hebdomadaire (4 semaines)

Semaine 1 : Lecture courte

Extrait de L’erreur de Descartes d’Antonio Damasio — sur l’influence des émotions dans nos raisonnements.

Semaine 2 : Observation du langage

Repère, dans ta façon de parler ou d’écrire :

Les phrases factuelles

Les jugements

Les généralisations

→ Apprends à les reformuler en distinguant ce qui relève du fait et ce qui est interprété.

Semaine 3 : Application relationnelle

Dans une discussion où un désaccord surgit :

Retiens-toi de dire « C’est faux ! » ou « Tu as tort. »

Dis plutôt : « J’ai une autre lecture des faits » ou « Je comprends différemment ce qui s’est passé. »

Semaine 4 : Écriture réflexive

Titre de l’exercice :

« Ce que je crois quand je pense avoir raison »

Explore comment tes certitudes se construisent, et ce qui se joue émotionnellement derrière elles.

Objectifs d’intégration du module

Apprendre à distinguer clairement fait, interprétation, croyance.

Développer une posture de lucidité douce : ne pas se condamner pour ses croyances, mais ne pas les confondre avec des faits.

Déjouer les pièges du langage et des automatismes mentaux.

Rendre sa pensée plus honnête, nuancée et humble, tout en gardant sa force.

———————

Module 5 — La rigueur joyeuse : penser avec méthode sans se rigidifier

Intention du module

Trop souvent, on oppose rigueur et créativité, méthode et intuition. Ce module invite à réconcilier structure et souplesse, discipline intellectuelle et liberté intérieure, en cultivant une pensée rigoureuse mais vivante, capable de clarifier sans figer, d’examiner sans stériliser.

Contenus clés

1. La rigueur : une hygiène de pensée, pas une clôture

Être rigoureux, ce n’est pas penser « froidement », mais penser clairement, avec soin, en distinguant ce qu’on sait de ce qu’on suppose.

Cela implique de :

Définir les termes qu’on utilise

Formuler des hypothèses testables

Justifier ses conclusions

Accepter les limites des données disponibles

Référence :

Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien et épistémologue, parle d’esprit de précision, non pas comme obsession du détail, mais comme respect du réel et de ses nuances.

« La rigueur n’est pas la rigidité ; c’est l’attention à ce que nos mots veulent vraiment dire. »

2. La méthode comme cadre souple

Toute démarche scientifique repose sur une méthodologie explicite :

Observer

Formuler une hypothèse

Tester

Analyser les résultats

Recommencer ou réviser

Mais cette méthode n’est pas une recette figée : elle évolue, s’adapte, se réinvente selon les domaines.

Référence :

Isabelle Stengers, philosophe des sciences, rappelle que la science est un art autant qu’un système : elle se construit dans un équilibre entre rigueur, imagination et éthique de la preuve.

3. Joie de penser, joie d’apprendre

La pensée rigoureuse ne tue pas la joie — elle la rend plus profonde.

Penser avec méthode permet de sortir du brouillard mental, de retrouver une liberté dans la clarté, une énergie dans la cohérence.

Référence :

Richard Feynman, encore lui, disait :

« Ce que je ne peux pas créer, je ne le comprends pas. »

Penser, c’est aussi jouer sérieusement avec les concepts, les tester, les transformer.

Explorations personnelles

1. Cartographie mentale d’un sujet

Choisis un thème qui t’intrigue (ex. : la mémoire, l’amour, le libre arbitre…).

Dessine une carte mentale avec :

Ce que tu crois savoir

Tes sources

Tes zones de doute

Les questions ouvertes

But : appliquer une forme visuelle de rigueur souple.

2. Méthodologie personnelle

Pour une idée que tu veux creuser (ex : « le temps est une illusion » ou « le microbiote influence l’humeur »), construis un mini-protocole de réflexion :

Quelle est l’hypothèse de départ ?

Quelles données disponibles ?

Quelle lecture critique des sources ?

Quelles questions secondaires ?

But : t’entraîner à structurer sans enfermer.

Travail hebdomadaire (4 semaines)

Semaine 1 : Lecture inspirante

Extrait de Penser, classer de Georges Perec, qui joue avec la rigueur du classement et la fantaisie du regard.

Semaine 2 : Création libre

Prends une idée abstraite (ex : le doute, la preuve, l’hypothèse) et :

Dessine-la

Écris un poème ou une analogie

Trouve-lui une métaphore corporelle

But : faire dialoguer rigueur et création.

Semaine 3 : Application

Reprends un raisonnement que tu as exprimé récemment (écrit ou oral).

Analyse-le en termes de :

Clarté des termes

Validité des liens logiques

Qualité des sources

→ Reformule-le avec plus de précision.

Semaine 4 : Écriture de synthèse

Titre :

« Ma manière de penser : rigueur ou rigidité ? »

Explore comment tu trouves ton équilibre entre méthode et fluidité.

Objectifs d’intégration du module

Apprendre à penser avec méthode sans se cadenasser.

Développer une rigueur vivante, joyeuse, adaptable.

Rendre la structure mentale au service de ta clarté, pas de ton contrôle.

Réconcilier la logique, l’intuition, la créativité et l’honnêteté dans une pensée globale.

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Support de suivi

Vivre la pensée scientifique comme un art de la lucidité

Formation autonome - Support de parcours

Tronc commun - Intention, posture et cadre de la formation

Cette formation vise a faire de la pensee scientifique un chemin de lucidite interieure, un art du discernement

et une maniere d'habiter le monde avec curiosite, rigueur et ouverture. Elle repose sur des valeurs de clarte,

d'humilite, de rigueur joyeuse et de souplesse mentale. Chaque mois : 1 journee d'immersion autonome + 1 a

2h hebdomadaires de travail leger.

Outils mobilises : epistemologie (Popper, Kuhn), cognition (Kahneman, Dehaene), pensee critique (Bronner,

Engel), sociologie des sciences (Latour, Stengers).

Module 1 - Ce que penser veut dire : hypotheses, erreurs et revisions

Decouvrir que penser scientifiquement, c'est poser des hypotheses testables, accepter de se tromper et

savoir reviser ses positions. References : Karl Popper, Daniel Kahneman.

Module 2 - La beaute du doute : philosophie et science

Explorer le doute comme force feconde. Distinguer le doute destructeur du doute methodique. References :

Descartes, Sextus Empiricus, Richard Feynman.

Module 3 - Appliquer la pensee critique a soi-meme

Observer ses propres biais (confirmation, Dunning-Kruger, disponibilite...). Developper une metacognition

active. References : Moukheiber, Kahneman, Dehaene.

Module 4 - Ce que penser veut dire : entre faits, interpretations et croyances

Apprendre a distinguer clairement les faits, les interpretations, et les croyances personnelles. References :

Pascal Engel, Hugo Mercier, Korzybski.

Module 5 - La rigueur joyeuse : penser avec methode sans se rigidifierVivre la pensée scientifique comme un art de la lucidité

Allier clarte et souplesse. Penser avec methode tout en restant creatif, ouvert et vivant. References : J.-M.

Levy-Leblond, Isabelle Stengers, Feynman.

 
 
 

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