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Résistance au changement : comprendre plutôt que forcer

Introduction : Quand changer devient une lutte intérieure


Changer semble être un mouvement naturel de la vie.

Nous évoluons, apprenons, nous adaptons.

Et pourtant, face à certains changements — pourtant désirés, choisis, logiques — nous rencontrons une force intérieure qui freine, bloque, voire sabote.


Cette force n’est pas une erreur.

Elle n’est pas le signe d’un “défaut de volonté” ou d’un “manque de maturité”.


Elle est une partie essentielle du processus humain de transformation.

Un phénomène que nous appelons souvent, trop rapidement, “résistance au changement”.


Mais pour accompagner vraiment — en coaching, en thérapie, en développement personnel — il ne suffit pas de forcer le changement.

Il faut d’abord comprendre la fonction protectrice de la résistance.


1. La résistance au changement : une force protectrice


1.1. Définition et vision classique


Dans les approches psychodynamiques (Freud, 1926 ; Reich, 1933), la résistance était vue comme un mécanisme de défense inconscient, visant à éviter une souffrance psychique.


En coaching, la résistance peut être définie comme la force interne qui freine ou empêche la mise en œuvre effective d’un changement conscient souhaité.


1.2. Fonction adaptative de la résistance


La résistance n’est pas l’ennemi du changement.

Elle est une tentative de l’organisme psychique de maintenir un équilibre perçu comme vital.


Exemple concret :

Un cadre veut changer de métier pour aller vers une activité plus alignée avec ses valeurs.

Pourtant, il procrastine, il doute, il remet à plus tard.

Derrière cette résistance, il y a une peur réelle :


• Peur de l’insécurité financière,

• Peur de perdre son identité sociale,

• Peur de décevoir des proches.


La résistance protège une stabilité intérieure, même au prix de la stagnation.


2. Les grandes sources de la résistance au changement


2.1. Peur de l’inconnu


Comme l’ont montré William Bridges (Managing Transitions, 1991) et Virginia Satir (The Satir Model, 1991), le changement désorganise temporairement l’équilibre.

Même si la situation actuelle est insatisfaisante, elle est connue, maîtrisée.

Le changement expose à l’incertitude.


Exemple concret :

Changer de poste ? Oui, mais quel sera l’accueil dans la nouvelle équipe ?

Et si c’était pire qu’avant ?


2.2. Attachement aux anciens schémas d’identité


Comme l’explique Robert Kegan (The Evolving Self, 1982 ; Immunity to Change, 2009), l’identité est construite sur des schémas stables.

Changer, c’est parfois remettre en cause qui je crois être.


Exemple concret :

Quelqu’un qui a bâti son identité sur le fait “d’être toujours fort” aura du mal à accepter une posture de vulnérabilité, même si elle serait bénéfique pour lui.


2.3. Peur de la perte (réelle ou symbolique)


Tout changement est perçu, quelque part, comme une perte :


• Perte d’habitudes,

• Perte de statut,

• Perte d’appartenance.


Même les gains attendus ne suffisent pas toujours à compenser cette peur de perte.


Exemple concret :

Accepter une promotion prestigieuse, mais devoir quitter une équipe dans laquelle on se sentait profondément relié.


2.4. Croyances limitantes et loyautés invisibles


Comme l’ont décrit Bert Hellinger (constellations familiales) et Young (théorie des schémas), nous portons souvent des loyautés invisibles envers notre famille, notre histoire, nos appartenances.


Exemple concret :

“Réussir” pourrait être inconsciemment vécu comme une trahison envers une famille qui a toujours vécu dans la difficulté.


3. Pourquoi forcer la résistance est contre-productif


3.1. La résistance augmente sous la pression


La psychologie du changement montre que plus on cherche à forcer un changement, plus les défenses se renforcent (Miller & Rollnick, Motivational Interviewing, 1991).


La résistance répond souvent à l’intensité de la pression.

Elle n’est pas une preuve d’obstination, mais un mécanisme de protection amplifié par la contrainte.


3.2. Risque de rupture de l’alliance en coaching


Forcer, argumenter, convaincre peut fragiliser la relation d’accompagnement.

L’autre ne se sent plus respecté dans son rythme, dans ses besoins intérieurs.

Il peut se refermer, devenir passif, ou même saboter inconsciemment le processus.


4. Comment accompagner la résistance avec intelligence


4.1. Adopter une posture d’écoute radicale


Comme le propose la Communication NonViolente de Marshall Rosenberg (Nonviolent Communication, 1999), il s’agit d’écouter sans jugement, sans agenda caché.


Écouter la résistance, c’est :


• Honorer la fonction protectrice qu’elle remplit,

• Accueillir la peur sans vouloir l’éradiquer,

• Respecter le temps intérieur du changement.


4.2. Travailler l’ambivalence


La méthode de l’entretien motivationnel (Miller & Rollnick) propose un cadre très efficace :

ne pas chercher à résoudre l’ambivalence, mais l’explorer pleinement.


Questions utiles :


• “Qu’est-ce qui te retient aujourd’hui d’avancer vers ce changement ?”

• “Qu’est-ce qui te rendrait fier si tu faisais ce pas ?”

• “Que risquerais-tu à changer ? Que gagnerais-tu à rester comme aujourd’hui ?”


4.3. Renforcer le sentiment de sécurité intérieure


Stephen Porges, avec sa théorie polyvagale (The Polyvagal Theory, 2011), montre que le changement est favorisé quand le système nerveux perçoit un état de sécurité.


Créer un environnement d’accompagnement chaleureux, prévisible, respectueux est une condition préalable pour permettre à la résistance de s’assouplir.


5. Ce que j’en retiens profondément


La résistance au changement n’est pas l’obstacle au processus.

Elle fait partie intégrante du processus.


Vouloir la supprimer, c’est méconnaître sa fonction.


Comprendre la résistance, c’est écouter ce qui en nous a encore besoin d’être rassuré, reconnu, sécurisé.


Et c’est à cette seule condition que le changement peut devenir un mouvement intérieur libre et profond,

et non un effort de surface voué à l’épuisement.


Références sérieuses pour approfondir


• Freud, S. (1926). Inhibitions, Symptoms and Anxiety.

• Reich, W. (1933). Character Analysis.

• Bridges, W. (1991). Managing Transitions: Making the Most of Change.

• Satir, V. (1991). The Satir Model: Family Therapy and Beyond.

• Kegan, R. (1982). The Evolving Self.

• Kegan, R., & Lahey, L. (2009). Immunity to Change.

• Miller, W. R., & Rollnick, S. (1991). Motivational Interviewing: Preparing People for Change.

• Porges, S. (2011). The Polyvagal Theory: Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-Regulation.

• Rosenberg, M. (1999). Nonviolent Communication: A Language of Life.

 
 
 

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